Résumé Résumé
En moins de sept ans, cette start-up française est en train de rebattre les cartes du e-commerce. Stockly, née en 2018 des cogitations de deux étudiants brillants — Eliott Jabès, formé aux Ponts et à Télécom Paris, et Oscar Walter, passé par l’ENS — s’est hissée au rang d’infrastructure stratégique.
Un peu plus de 43 millions d’euros levés, 500 retailers conquis dans 25 pays, et une idée simple mais décisive : mutualiser les stocks pour effacer les ruptures. Le tout en silence, en s’insérant dans les rouages du commerce en ligne sans rien en bouleverser à la surface. Stockly ne vend rien au client final — elle organise les flux, et dessine en creux ce qui pourrait devenir la première bourse mondiale des stocks.
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Tout est parti d’un vide
L’histoire commence dans un coin du web que les géants délaissent : la comparaison de prix sur les baskets. En étudiant le comportement des acheteurs, Jabès et Walter tombent sur un chiffre qui les frappe comme un coup de poing : 30 % des paniers sont abandonnés. Pas à cause du prix ou du design, mais faute de disponibilité. Ce n’est pas un petit aléa : c’est une fuite invisible de chiffre d’affaires. Un puits sans fond.
Leur réponse n’est pas un site de vente de plus, mais une infrastructure technique. Une plateforme capable de détecter les ruptures et de les résoudre, en piochant dans les stocks d’autres marchands. L’idée est limpide. Sa mise en œuvre, autrement plus complexe.
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Une mécanique discrète mais chirurgicale
Stockly repose sur une architecture API-first : autrement dit, une interface technique qui parle le langage des ERP, des marketplaces et des outils logistiques, sans friction. L’algorithme maison sait digérer et normaliser des centaines de catalogues différents, en temps réel.
Dès qu’une rupture est identifiée, un algorithme de matching sélectionne, en une poignée de millisecondes, le meilleur fournisseur selon des critères croisés : prix, disponibilité, logistique, qualité de service, géographie. La commande est ensuite expédiée dans un emballage neutre, préservant l’unité de marque du marchand initial.
Le tout avec un objectif bien clair : rendre la rupture invisible. Et ce n’est pas qu’une lubie de développeurs : c’est une manière d’optimiser les marges pour tous, sans changer les habitudes des clients.
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Une exécution sans fioritures
Loin des startups qui veulent “scaler” à tout prix, Stockly avance à pas mesurés. Ses débuts sont prudents : des tests gratuits auprès de petits e-commerçants parisiens, avant de viser plus haut. Résultat : une croissance robuste, adossée à des clients solides — Decathlon, Leroy Merlin, Galeries Lafayette, Kaufland ou encore ManoMano.
Le secret ? Un ciblage chirurgical, bâti sur l’analyse fine des signaux publics : taux de rupture, zones de livraison, profondeur de catalogue. Chaque prospect est sélectionné pour maximiser l’efficacité du système. C’est du sur-mesure logistique, et non du marketing de masse.
Un modèle qui récompense les performances, pas les promesses
Le business model de Stockly est à contre-courant : pas d’abonnement, pas de coût fixe. Juste une commission sur chaque vente réellement honorée. Ce principe aligne les intérêts : le marchand initial, le fournisseur tiers, et la plateforme ont tous intérêt à ce que la commande aboutisse. Pas de vente ? Pas de revenus. Ce mécanisme, presque évident, a pourtant mis des années à s’imposer ailleurs.
Les chiffres parlent : chez les retailers partenaires, la disponibilité produit grimpe de 50 %, le chiffre d’affaires gagne jusqu’à 20 %, et plus d’un million de transactions mutualisées ont été enregistrées rien qu’en 2024.
Des investisseurs venus d’horizons globalisés
Depuis 2021, Stockly a bouclé trois tours de table, cumulant 43,1 millions d’euros, dont 26 millions levés en février 2025. Derrière cette levée, des noms qui pèsent : 83North, qui a misé sur Just Eat ou Mirakl, mais aussi Eurazeo, Daphni, Anyma Capital. Ce n’est pas juste du cash : c’est un réseau international qui crédibilise la vision et accélère la feuille de route.
La structure suit : 100 salariés, dont plus de 60 % en R&D, répartis en six squads techniques. Une organisation pensée pour encaisser la croissance sans diluer la qualité.
La bourse des stocks, pas une simple image
Derrière la technique, une vision systémique : celle d’un monde dans lequel chaque produit devient échangeable à la demande, quel que soit son point d’origine. Une logique de liquidité totale du stock, comme il existe une liquidité sur les marchés financiers. L’infrastructure devient alors un marché, pas seulement un outil. Ce n’est pas une lubie de startupers — c’est une proposition de valeur globale, où l’on peut acheter du stock comme on achète des actions.
Et en filigrane, une promesse écologique : moins de transports inutiles, moins de surstock, moins de gaspillage. Un rare alignement entre efficacité économique et sobriété logistique.