Résumé Résumé
En 2025, l’État mobilise 4,2 milliards d’euros pour soutenir les médias, entre presse écrite et audiovisuel public. Ce montant, considérable, soulève une question simple : à quoi sert vraiment cet argent ? Derrière les chiffres, le système d’aides apparaît comme complexe, peu lisible, et parfois déconnecté des défis actuels du secteur. Alors que les mutations technologiques s’accélèrent, la pression monte pour repenser en profondeur un modèle que beaucoup jugent à bout de souffle.
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Sur les 4,2 milliards d’euros mobilisés, 438 millions sont destinés à la presse écrite, le reste – soit plus de 3,8 milliards – soutient l’audiovisuel public. Ce soutien prend deux formes principales : des aides directes, versées aux acteurs du secteur sous conditions ou via appels à projets ; et des aides indirectes, sous la forme de dispositifs fiscaux, d’exonérations ou d’abattements sociaux.
Dans le détail, les aides directes à la presse s’élèvent en 2025 à 193,8 millions d’euros. Elles comprennent les soutiens à la diffusion (112,3 M€), au pluralisme (25,9 M€) et à la modernisation (55,6 M€). Le reste du soutien passe par des mécanismes fiscaux : taux de TVA super-réduit à 2,1 %, abattement spécifique pour les journalistes, exonérations diverses. Ces aides indirectes, bien que moins visibles, représentent 244 millions d’euros.
L’audiovisuel public concentre à lui seul près de 90 % du total. France Télévisions capte plus de 2,5 milliards d’euros, suivi par Radio France (666 M€), France Médias Monde (305 M€), ARTE France (95 M€) et l’Agence France-Presse (143 M€, dotation et abonnements cumulés).
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Presse écrite : un système d’aides en sursis
Le budget 2025 pour la presse marque une légère hausse par rapport à 2024, mais cette progression masque une réalité plus brutale. En 2024, les aides avaient chuté de 25 %, passant de 204,7 millions à 175,2 millions d’euros. Cette baisse s’expliquait notamment par la suppression d’une aide exceptionnelle de 30 millions d’euros versée en 2023 pour compenser la flambée des prix du papier. La stabilité affichée en 2025 est donc relative et s’inscrit dans une trajectoire sinueuse.
Les aides à la diffusion représentent la part la plus importante : 65,5 millions d’euros pour l’envoi postal des journaux, 35,2 millions pour le portage à domicile (en légère hausse), et 27,9 millions pour la distribution de la presse nationale. Ces dispositifs cherchent à garantir l’accessibilité de la presse sur l’ensemble du territoire, dans un contexte où le réseau de vente physique continue de se contracter.
Les aides au pluralisme, spécificité française, visent à soutenir les titres les plus fragiles économiquement mais jugés essentiels à la diversité éditoriale. En 2024, les quatre quotidiens nationaux considérés comme structurellement dépendants de l’aide publique – L’Humanité, Libération, La Croix et L’Opinion – ont perçu à eux seuls plus de 10 millions d’euros.
Enfin, les aides à la modernisation, en légère hausse, accompagnent la transformation numérique des rédactions, le développement de nouveaux formats et l’émergence de pure players.
Aides fiscales et sociales : un soutien peu connu mais central
Moins connues du grand public, les aides indirectes représentent pourtant un soutien financier considérable. En premier lieu, la presse bénéficie d’un taux de TVA à 2,1 %, bien inférieur au taux standard de 20 %. Cette mesure coûte chaque année 60 millions d’euros à l’État. À l’échelle européenne, la France se situe dans la moyenne, entre les pays à taux zéro (Norvège, Royaume-Uni) et ceux au taux réduit.
Les journalistes, de leur côté, bénéficient d’un abattement forfaitaire de 30 % sur certaines cotisations sociales, dans la limite de 7 600 euros par an. Ce dispositif, appelé DFS (déduction forfaitaire spécifique), représente une dépense de 160 millions d’euros par an pour la Sécurité sociale. Sa disparition progressive est programmée d’ici 2038, à raison d’une réduction de 2 % par an depuis 2024.
S’ajoutent d’autres mesures fiscales : un abattement de 7 650 euros sur le revenu imposable des journalistes, des exonérations de contribution économique territoriale pour certaines entreprises de presse, et des tarifs postaux privilégiés. En tout, ces aides fiscales additionnelles sont estimées à 24 millions d’euros.
L’audiovisuel public concentre la majorité des financements
Le soutien public à l’audiovisuel constitue l’autre versant majeur de la politique média de l’État. Ce modèle, fondé sur la mission de service public, justifie un niveau élevé de dotations. France Télévisions demeure le principal bénéficiaire, devant Radio France, France Médias Monde, ARTE et l’AFP.
Pour autant, ce pilier n’échappe pas aux tensions. L’Agence France-Presse, notamment, traverse une crise financière préoccupante. En juin 2025, son PDG a annoncé un plan d’économies de 12 à 14 millions d’euros sur deux ans, face à une dégradation de ses perspectives. La fin de contrats avec les États-Unis et l’arrêt des partenariats de fact-checking avec Meta ont fragilisé ses recettes. Cette situation souligne que même les entités largement subventionnées ne sont pas à l’abri des bouleversements géopolitiques et technologiques.
Un système d’aides critiqué pour son manque de clarté
Plusieurs voix, au Parlement notamment, dénoncent la complexité croissante du système d’aides à la presse. Le Sénat pointe un empilement de dispositifs construits au fil des années, qui rend l’ensemble peu lisible, difficilement évalué, et parfois inefficace. Les enveloppes sont réparties sans vision stratégique globale, ce qui alimente les critiques sur leur pertinence réelle face aux défis actuels.
Une réforme d’ampleur est appelée de leurs vœux pour 2025. L’objectif serait de simplifier, rationaliser et redéployer les aides en fonction des nouveaux usages et des mutations structurelles du secteur. Cette réforme tarde pourtant à se concrétiser, alors même que les enjeux deviennent urgents.
Réformer les aides : une urgence toujours reportée
Le soutien public aux médias s’appuie aujourd’hui sur un édifice massif, coûteux et fragilisé. Massif, par les sommes engagées ; coûteux, car il mobilise à la fois le budget de l’État et les ressources sociales ; fragilisé, enfin, par l’évolution rapide des usages, la perte d’audience des médias traditionnels, et la montée en puissance de l’intelligence artificielle.
Reste une question centrale : à force de vouloir tout soutenir, l’État parvient-il encore à orienter efficacement son action ? Le pluralisme est-il mieux garanti, ou simplement maintenu sous assistance ? L’indépendance éditoriale est-elle renforcée, ou dépend-elle d’un système de rentes publiques ?