Résumé Résumé
En nommant Frédéric Oudéa à la présidence de Revolut pour l’Europe de l’Ouest, la fintech britannique franchit un cap. Ancien patron de la Société Générale, poids lourd du paysage bancaire européen, Oudéa apporte une importante légitimité. Pour une néobanque longtemps perçue comme un électron libre, le message est clair — elle veut être prise au sérieux.
Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique plus large : celle d’une structuration accélérée de la gouvernance. Avec Béatrice Cossa-Dumurgier, directrice générale pour l’Europe continentale, Revolut se dote d’un binôme franco-britannique taillé pour dialoguer avec les superviseurs et consolider ses ambitions.
« Je suis convaincu que Revolut est à la pointe de la banque de détail en Europe », déclare Frédéric Oudéa. Traduction : il ne s’agit plus d’être un outsider, mais bien une future référence du secteur.
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Revolut, super-app financière
Revolut naît en 2015, sur une idée aussi simple que radicale : en finir avec les frais bancaires cachés et les lenteurs à l’international. Nikolay Storonsky, ancien trader, imagine une carte multidevise à taux préférentiels pour les voyageurs. Il s’associe à Vlad Yatsenko, ingénieur passé par UBS et Deutsche Bank.
Installés dans l’incubateur Level39 à Canary Wharf, ils lancent Revolut avec 300 000 livres d’économies. Succès immédiat : 2 000 inscrits en quelques jours, quatre personnes à bord, et un besoin client confirmé avant même que l’offre ne soit stabilisée.
4 milliards de chiffre d’affaires
Très vite, Revolut dépasse le statut de simple carte de paiement. Le modèle freemium — version gratuite, puis abonnements Premium et Metal — installe une base de revenus récurrents. S’y ajoutent des commissions de dépassement, des frais d’interchange, et surtout un effet volume : avec plus de 60 millions d’utilisateurs, les petits frais font les grandes rivières.
Mais l’entreprise ne s’arrête pas là. Trading d’actions américaines, ETF, crypto, matières premières, obligations : la diversification produit suit une logique de monétisation par commissions et spreads. En 2022, la crypto seule rapporte 50 millions de dollars.
Résultat : en 2024, Revolut dégage 4 milliards de chiffre d’affaires (+72 % sur un an), et un bénéfice avant impôt de 1,4 milliard. En France, les dépôts doublent à 3,2 milliards d’euros ; l’épargne bondit de 276 %, à 868 millions.
Une infrastructure cloud pensée pour l’hypercroissance
Derrière cette performance, une architecture technique pensée pour l’échelle. Revolut s’appuie sur Google Cloud pour maintenir une plateforme entièrement scalable. Google Compute Engine réduit les temps de sauvegarde de vingt heures à cinq minutes, automatise le scaling, et isole les environnements critiques. Résultat : plusieurs mises à jour par jour — un rythme inconcevable pour une banque classique.
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L’IA de Google (Gemini) est aussi mobilisée : meilleure détection des fraudes, offres personnalisées, tout passe par l’analyse temps réel des comportements.
La conquête des marchés suit un ordre de marche. L’Europe d’abord : licence bancaire lituanienne obtenue en 2018, plus de 4 millions d’utilisateurs en France, Espagne, Pologne. L’Allemagne vise les cinq millions.
L’Asie-Pacifique ensuite : Singapour, Japon, où des partenariats locaux facilitent l’entrée. Et désormais, cap sur les États-Unis. Revolut envisage l’acquisition d’une banque pour accélérer l’obtention d’une licence fédérale, adossée à une levée d’un milliard de dollars. Le potentiel est énorme, mais la part de marché reste marginale.
La régulation européenne, contrainte ou tremplin ?
Le Brexit a rebattu les cartes. Revolut a dû reconstruire sa structure légale. Revolut Payments UAB, en Lituanie, permet de conserver le passeport européen. Au Royaume-Uni, une licence bancaire « avec restrictions » est enfin obtenue en 2024, après trois ans de discussions. Mais la réputation et la conformité restent sous surveillance.
Une amende de 3,5 millions d’euros en Lituanie pour manquements anti-blanchiment rappelle que la fintech n’échappe plus aux exigences des superviseurs. L’entrée en vigueur de l’AMLA, nouvelle autorité européenne en 2025, durcira encore le ton : jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial en amende. Pour Revolut, devenue véritablement paneuropéenne, le risque est majeur — mais aussi l’opportunité de se distinguer par la conformité.
La France, pilier central de la stratégie Revolut
La France devient un pôle central. Depuis 2023, un plan d’investissement d’un milliard d’euros sur trois ans est en cours, le plus important dans la finance tricolore depuis dix ans. Paris prend le relais de Londres et Vilnius comme siège pour l’Europe de l’Ouest.
Objectif : 400 recrutements d’ici 2029 dans la conformité, la cybersécurité, le produit et la relation client. À terme, 1 500 salariés. La stratégie est claire : obtenir une licence bancaire complète de l’ACPR pour lancer des produits locaux — Livret A, PEA, assurance-vie. Avec un modèle multi-juridictionnel (UK, Lituanie, France), Revolut affine son implantation sans sacrifier l’homogénéité européenne.
Introduction en Bourse à Wall Street ?
L’introduction en Bourse se prépare. New York ou Londres ? Nik Storonsky penche pour Wall Street, où la valorisation est potentiellement plus élevée. Le gouvernement britannique pousse pour un retour à Londres, dans un contexte post-Brexit où la City cherche à retrouver son lustre.
Valorisation espérée : entre 65 et 75 milliards de dollars, soit 16 fois les revenus 2024. Les chiffres suivent : retour sur capitaux propres de 25 à 30 %, croissance annuelle de 50 à 70 %. Les standards bancaires classiques sont loin derrière.