Malgré un engouement constant du public, la Maison Gainsbourg traverse une crise profonde. Depuis plusieurs mois, Charlotte Gainsbourg et son associé, l’homme d’affaires Dominique Dutreix, se livrent une bataille judiciaire acharnée, sur fond de tensions financières aiguës. Le différend, d’abord discret, s’est aujourd’hui mué en un contentieux d’ampleur, dont l’issue pourrait décider du sort de l’établissement culturel parisien dédié à la mémoire de Serge Gainsbourg.
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Soupçon d’insolvabilité organisée
Au cœur du conflit, une condamnation prononcée en décembre 2024 par la cour d’appel de Paris, enjoignant Dominique Dutreix à injecter près d’un million d’euros dans la société qui gère la Maison Gainsbourg. Bien que cette décision soit exécutoire, aucun versement n’a été effectué à ce jour. L’homme d’affaires a saisi la Cour de cassation, tout en contestant en parallèle les multiples saisies pratiquées sur ses comptes et sur ceux de ses sociétés.
Il a été débouté par le juge de l’exécution, mais a interjeté appel — une démarche que Charlotte Gainsbourg et son avocate, Me Catherine Poli, ont tenté, sans succès, de faire radier. Derrière ces procédures, un soupçon d’insolvabilité organisée alimente la défiance. Selon les éléments produits par la partie adverse, Dominique Dutreix disposerait d’un patrimoine significatif — estimé à plus de dix millions d’euros — et d’un réseau de 201 sociétés.
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La situation financière critique de la Maison Gainsbourg
Pourtant, l’homme d’affaires se prévaut aujourd’hui d’un redressement judiciaire, ouvert en février 2025 pour l’une de ses structures agricoles en Limousin. Ce dispositif le protège temporairement contre toute saisie, y compris dans l’affaire Maison Gainsbourg. Charlotte Gainsbourg conteste la sincérité de cette procédure.
Dans un recours formé devant le tribunal de Limoges, elle accuse son associé d’avoir volontairement dissimulé son lieu de résidence parisien, ainsi qu’une partie de ses biens mobiliers, notamment des œuvres d’art, afin de se soustraire à ses obligations financières. La juridiction a toutefois rejeté ces arguments, estimant que Dominique Dutreix était, à la date de jugement, objectivement dans l’impossibilité de régler son passif exigible.
De son côté, l’intéressé rejette fermement toute accusation de fraude. Il affirme que les saisies en cascade l’ont privé de ses moyens d’action, jusqu’à compromettre l’équilibre de son exploitation agricole. Il invoque également un contentieux de fond visant à faire annuler l’accord de partenariat avec Charlotte Gainsbourg. Selon lui, le consentement tardif de la fratrie Gainsbourg à l’ouverture du musée aurait rendu l’engagement contractuel caduc.
Cette nouvelle procédure, encore à ses prémices, vient ajouter un niveau de complexité à un litige déjà dense. Elle repousse d’autant la perspective d’un dénouement.
Le tribunal tranchera en septembre
Pendant ce temps, la Maison Gainsbourg, en redressement judiciaire depuis près d’un an, approche d’un tournant décisif. Le 24 septembre, le tribunal de commerce de Paris devra se prononcer sur les offres de reprise déposées. Parmi elles, celle de Dominique Dutreix, qui propose un plan de continuation incluant un remboursement échelonné des dettes sur huit ans. Une seconde proposition aurait également été soumise.
Face à cette incertitude prolongée, l’avenir du musée reste suspendu à la décision de justice à venir. La démarche initiée par Charlotte Gainsbourg pour faire vivre l’héritage artistique de son père se trouve aujourd’hui fragilisée par une guerre de gouvernance qui, faute de résolution rapide, pourrait porter un coup fatal au projet.