La folie des Ray-Ban Meta connectées

Meta cartonne avec ses lunettes connectées IA : plus de 2 millions d’unités vendues, un succès inattendu à l’intersection tech et mode.

Contre toute attente, les lunettes connectées lancées par Meta en partenariat avec EssilorLuxottica se sont imposées comme un produit grand public à succès mondial. Plus de deux millions d’unités ont été écoulées depuis leur lancement, confirmant la pertinence d’un pari que beaucoup jugeaient risqué, voire prématuré. Ce succès éclatant ne marque pas la fin d’une histoire, mais le point de départ d’une révolution technologique discrète et stratégique, à l’intersection de la mode, de l’intelligence artificielle et de l’innovation produit.

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Un pari risqué devenu phénomène mondial

Lorsque Meta a lancé ses lunettes connectées avec Ray-Ban en 2023, les observateurs se sont rappelé l’échec cuisant des Google Glass. Pourtant, en moins de deux ans, les Ray-Ban Meta se sont imposées comme le premier véritable succès commercial dans ce segment technologique. À un tarif contenu de 400 dollars, elles offrent une combinaison de fonctionnalités pensées pour un usage quotidien : prise de photos et vidéos, appels téléphoniques, écoute musicale, et surtout, intégration poussée de l’intelligence artificielle.

Depuis fin 2024, Meta AI, embarqué dans ces lunettes, permet à l’utilisateur de dialoguer avec une assistance intelligente en temps réel. L’IA reconnaît des objets, traduit des phrases à la volée, répond à des requêtes contextuelles. Autant d’usages qui dépassent le simple gadget pour s’inscrire dans les routines numériques d’un nombre croissant d’utilisateurs.

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Des chiffres qui donnent le vertige

Le succès ne se limite pas à l’image ou à la nouveauté. Il se traduit par des performances commerciales spectaculaires. Au premier semestre 2025, EssilorLuxottica a vu ses ventes de lunettes Meta Ray-Ban tripler, enregistrant une croissance de 200 % par rapport à la même période en 2024.

Meta s’est rapidement imposé comme l’acteur dominant du marché mondial des lunettes connectées, avec 73 % de parts. Un marché lui-même en pleine transformation : au premier semestre 2025, les ventes globales ont bondi de 110 %, et les modèles intégrant de l’intelligence artificielle représentent désormais 78 % des expéditions, contre 46 % un an auparavant. Cette montée en puissance repositionne les lunettes connectées comme un segment stratégique de la tech grand public.

La stratégie gagnante : tech et luxe réunis

Le contraste avec l’échec des Google Glass est saisissant. À l’époque, le produit de Google, trop en avance sur son temps, avait été commercialisé sans réelle réflexion sur le design ni alliance industrielle forte. Meta, à l’inverse, a choisi de s’associer avec une marque à l’image forte et aux codes esthétiques ancrés. Ray-Ban apporte une identité, une communauté, un accès rapide à un public déjà acquis à son image.

Diversification agressive de Meta

Confortée par ce succès, la firme de Menlo Park accélère. En juin 2025, elle a élargi sa gamme avec les lunettes Oakley Meta Performance AI. Conçues pour les sportifs, elles affichent une autonomie prolongée et des capacités vidéo supérieures. Ce lancement s’inscrit dans une logique de segmentation du marché selon les usages, dans laquelle Meta entend occuper chaque niche pertinente.

La suite est déjà en préparation : en septembre 2025, la gamme Hypernova fera son apparition, avec un prix fixé à 800 dollars, bien en-deçà des premières estimations. Ce modèle intégrera un écran dans la lentille droite, capable d’afficher des notifications et des applications simples. Il s’agira d’une étape vers le lancement prévu en 2027 des lunettes Orion, dotées d’une réalité augmentée avancée. En parallèle, Meta développe un bracelet neural permettant le contrôle gestuel discret des interfaces. L’objectif est clair : créer un écosystème complet où l’intelligence artificielle s’insère naturellement dans l’environnement corporel de l’utilisateur.

Une course mondiale qui s’intensifie

Le succès de Meta n’est pas passé inaperçu. Après avoir quitté le marché, Google a annoncé en mai 2025 son retour dans les lunettes connectées via un partenariat avec Kering Eyewear, maison mère de Gucci, Saint Laurent et Cartier. Ce nouvel axe stratégique inclut également des collaborations avec Warby Parker et Gentle Monster, confirmant une volonté de s’aligner sur le modèle technologique-esthétique imposé par Meta.

Mais c’est sans doute l’Asie qui représente la menace la plus sérieuse. Xiaomi a lancé en juin 2025 un modèle de lunettes IA vendu 278 dollars, avec une autonomie de 8,6 heures et 45 minutes d’enregistrement vidéo continu. En une seule semaine de commercialisation, l’entreprise est devenue le quatrième vendeur mondial de lunettes connectées. D’autres entreprises chinoises suivent : Baidu avec les Xiaodu AI Glasses, Alibaba avec les Quark AI Glasses présentées en juillet, et TCL-RayNeo. Une vague d’innovations qui laisse présager une guerre commerciale intense dans les mois à venir.

Du côté des poids lourds américains, Apple a confirmé son intention de lancer ses propres lunettes connectées d’ici fin 2026. Elles intégreront Siri et les modules d’Apple Intelligence, misant sur la qualité de fabrication et l’expérience utilisateur comme différenciateurs. Samsung développe également son propre modèle, indépendant de son partenariat AR avec Google, et prévoit un lancement pour la même période.

EssilorLuxottica : au-delà de la lunetterie

De son côté, EssilorLuxottica ne se contente pas de capitaliser sur les lunettes connectées. Le groupe a annoncé en mai 2025 l’acquisition d’Optegra, un réseau de plus de 70 cliniques ophtalmologiques en Europe. Cette opération stratégique marque une entrée dans le secteur de la chirurgie oculaire et des traitements avancés, élargissant l’influence du groupe au-delà de la correction visuelle.

En parallèle, le lancement des lunettes Nuance Audio introduit une innovation discrète mais majeure : une aide auditive invisible intégrée à des montures standard, destinée aux personnes souffrant de pertes auditives légères à modérées. Le produit a été primé aux CES Innovation Awards 2025 et est déjà distribué dans plus de 10 000 points de vente. EssilorLuxottica ouvre ainsi un nouveau marché hybride, entre optique et audioprothèse.

Selon Counterpoint Research, le marché des lunettes connectées pourrait croître de 60 % par an jusqu’en 2029. D’ici 2030, il pourrait représenter entre 4,13 et 8,26 milliards de dollars. Une expansion fulgurante pour un secteur qui, il y a à peine deux ans, était encore considéré comme marginal.

Cette mutation repose sur des innovations de plus en plus intégrées, plus intuitives, et surtout centrées sur les usages. Loin des promesses futuristes non tenues des années 2010, les produits d’aujourd’hui visent une adoption fluide dans la vie quotidienne. Les efforts de Meta pour développer des interfaces gestuelles sans contact en sont le prolongement naturel.



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