Les vins français bientôt trop chers pour les Américains ?

Vins français, spiritueux et Champagne résistent aux taxes américaines... mais la dépendance à ce marché pourrait coûter cher.

NielsenIQ s’est penché sur les effets de la récente hausse des droits de douane à 15 % sur les vins et spiritueux français destinés aux États-Unis. Pour l’instant, peu d’agitation apparente : les prix tiennent, les ventes ne vacillent pas. Mais les signes de tension s’accumulent.

Car l’Amérique reste, en 2025, l’un des grands débouchés mondiaux pour les boissons alcoolisées venues d’ailleurs. Dans les rayons des supermarchés, des magasins de quartier ou des liquor stores, les produits importés dominent déjà largement : 53 % des spiritueux, 34 % des vins et 27 % des bières vendus sont d’origine étrangère. Pour les producteurs français, cela représente une manne : 3,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires à l’export rien que pour 2024.

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Le cognac, valeur sûre

La France conserve une position solide, mais sous surveillance. Elle reste le deuxième fournisseur de vin en valeur (7 % de parts de marché), derrière l’Italie (13 %) et devant la Nouvelle-Zélande (4 %). Sur les spiritueux, elle occupe le troisième rang avec également 7 %, derrière le Mexique (17 %) et le Canada (9 %), mais devant l’Écosse (5 %). Deux produits phares assurent l’essentiel du chiffre d’affaires : le cognac, qui représente 67 % des ventes françaises de spiritueux aux États-Unis, et le champagne, qui pèse à lui seul 43 % du total des ventes de vins français dans les circuits américains.

Mais la donne pourrait changer. Depuis le printemps, Washington a relevé les droits de douane sur les spiritueux mexicains et canadiens (+25 % depuis avril). Et désormais, c’est au tour des exportateurs français de faire face à une hausse spécifique, à hauteur de 15 %. Selon l’étude de NielsenIQ, cette barrière tarifaire n’a pas encore produit de secousses visibles sur les prix : le cognac, au contraire, affiche un recul moyen de 3,3 %. Même glissement du côté des champagnes : –1,1 % pour Veuve Clicquot, –3,3 % pour G.H. Mumm. Les whiskys canadiens progressent à peine (+0,3 %) ; les téquilas mexicaines reculent même légèrement (–0,1 %). En clair, les hausses de coûts sont digérées dans les marges. Pour l’instant.

Quelles alternatives pour les producteurs français ?

Cette retenue tarifaire masque mal une question plus vaste : celle de la dépendance. Si les conditions d’accès au marché américain se durcissent durablement, quelles alternatives pour les producteurs français ? Certainement pas le marché domestique, du moins pas pour le cognac, qui s’écoule quinze fois plus aux États-Unis qu’en France. Le reflux de la demande outre-Atlantique ne pourrait y être absorbé, même à la marge.

La diversification devient alors une question de survie commerciale. Le Royaume-Uni reste le premier marché européen du cognac et un allié relativement stable, même depuis le Brexit. La Chine, elle, pourrait offrir une respiration si les négociations aboutissent à l’exonération de droits pour 34 maisons de cognac et d’armagnac. Les pays du Mercosur apparaissent aussi dans les radars, notamment pour les vins tranquilles et effervescents, encore peu implantés mais jugés porteurs à moyen terme.

Le champagne, mieux ancré dans le marché intérieur, disposerait d’un coussin domestique plus résilient. Mais ici aussi, les relais de croissance sont indispensables. Royaume-Uni, Chine, Amérique du Sud : autant de terrains à sécuriser avant que le sol américain ne se dérobe.

L’étude de NielsenIQ apporte donc un diagnostic contrasté. Les prix ne dérapent pas. Les volumes résistent. Mais ce calme relatif est fragile. Si les acteurs américains décident demain de répercuter les hausses de droits sur les rayons, ou si une partie des distributeurs revoit ses références à la baisse, les marques françaises pourraient rapidement perdre du terrain.



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