Il y a des entreprises qui traversent les époques sans jamais vraiment changer. Et puis il y a celles qui épousent leur temps, parfois au point de le précéder. Schneider Electric appartient à cette seconde catégorie. À mi-parcours de l’année 2025, le groupe français en apporte une nouvelle preuve avec des résultats en nette hausse et une stratégie qui coche toutes les cases du moment : intelligence artificielle, transition énergétique, relocalisation industrielle, sobriété carbone.
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Une croissance portée par l’IA et les data centers
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 19,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires au premier semestre, en progression organique de 7,9 %, et un EBITA ajusté en hausse de 6,9 %. Certes, la marge opérationnelle recule légèrement (18,2 % contre 18,6 % un an plus tôt), mais dans un environnement incertain, le signal envoyé est limpide : la croissance est là, solide, bien orientée. En Amérique du Nord, elle frôle même les 12,5 %, portée par des besoins colossaux en infrastructures numériques.
Au cœur du moteur, l’activité « Gestion de l’énergie » — 82 % du chiffre d’affaires — affiche une progression organique de plus de 10 %, alimentée par le boom des centres de données. Ces gigantesques usines de calcul, gourmandes en énergie mais devenues indispensables à l’ère de l’IA générative, sont devenues l’un des terrains de jeu stratégiques du groupe. Les systèmes, les logiciels, les services — tout grimpe. Schneider, discrètement mais sûrement, se positionne comme le maillon fort d’une chaîne numérique qui ne supporte pas la panne.
L’alliance stratégique avec NVIDIA
C’est dans ce contexte que le partenariat avec NVIDIA, officialisé lors du GTC Paris, prend tout son sens. Ensemble, les deux groupes travaillent à l’émergence d’« usines IA », bâties sur des architectures énergétiques intelligentes. À la clé : le premier jumeau numérique au monde dédié à la gestion des systèmes électriques de ces installations, grâce à la puissance de simulation du moteur Omniverse. Une alliance qui en dit long sur la nature du virage en cours : celui d’un industriel devenu architecte de systèmes complexes.
Mais la transformation ne se joue pas uniquement sur les technologies. Elle passe aussi par la géographie. L’Inde, troisième marché pour le groupe, prend de l’épaisseur dans le dispositif mondial. Schneider en a pris le contrôle total, avec 31 usines et une dynamique à deux chiffres. Et de l’autre côté du globe, l’Amérique du Nord fait l’objet d’un plan d’investissement de 700 millions de dollars, avec des implantations industrielles renforcées dans cinq villes et la promesse de plus de 1 000 emplois.
Neutralité carbone et numérique : les piliers de la stratégie 2050
À cette recomposition industrielle s’ajoute un effort notable en R&D : 1,179 milliard d’euros sur six mois. Derrière ce chiffre, une stratégie claire : renforcer les offres numériques, ancrer l’intelligence artificielle dans les produits et les services, créer des ponts entre le monde académique et celui de l’entreprise — à l’image du partenariat avec le centre Hi! PARIS.
Le tout s’inscrit dans une logique durable : 80 % du chiffre d’affaires provient déjà de produits à impact environnemental positif, et le groupe revendique avoir permis à ses clients d’éviter 800 millions de tonnes de CO₂. Objectif affiché : zéro émission nette sur l’ensemble de la chaîne de valeur d’ici 2050. Reste à gérer une dépendance croissante à un segment — les centres de données — qui, aussi porteur soit-il, n’est pas sans risques. Schneider ne l’ignore pas, et tente de diversifier ses débouchés vers l’industrie, les infrastructures et le bâtiment.
Le cap pour 2025 est maintenu : une croissance organique comprise entre 7 % et 10 %, et une marge d’EBITA attendue entre 18,7 % et 19 %, voire davantage. À plus long terme, l’ambition est d’atteindre 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires et de faire basculer une part croissante des revenus vers les modèles récurrents et digitaux. Le groupe revendique déjà 57 % de chiffre d’affaires issu du numérique, avec un objectif de 60 à 65 % à horizon deux ans.