Ce n’est pas un secret, le gouvernement prépare une nouvelle modification des règles d’indemnisation du chômage. Après la baisse de la durée d’indemnisation pour les nouveaux demandeurs d’emploi, un autre levier est désormais ciblé : la durée minimale d’activité exigée pour ouvrir des droits.
Aujourd’hui, pour percevoir l’Allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), il faut avoir travaillé six mois (soit 130 jours ou 910 heures) au cours des vingt-quatre derniers mois. Pour les demandeurs d’emploi de plus de 53 ans, la période de référence s’étend à trente mois. Cette règle pourrait bientôt être durcie : le gouvernement envisage de porter cette durée minimale à huit mois, sur une période de référence réduite à vingt mois.
A LIRE AUSSI
Assurance-chômage : une réforme qui punit les sans emploi
Qui sont les perdants de ces réformes ?
La mesure combine deux effets restrictifs. D’une part, elle augmente la durée minimale d’activité : il faudra avoir travaillé huit mois, soit environ 35 % de la période de référence. D’autre part, elle raccourcit cette même période de référence de vingt-quatre à vingt mois, ce qui réduit mécaniquement les marges de récupération pour les personnes ayant connu des interruptions d’activité.
Ce double verrou frapperait principalement trois catégories de demandeurs d’emploi :
- Les jeunes actifs, en particulier ceux entrés récemment sur le marché du travail. Beaucoup peinent déjà à valider six mois d’activité en deux ans. Porter le seuil à huit mois rendrait l’ouverture de droits nettement plus difficile.
- Les salariés précaires, notamment ceux enchaînant missions d’intérim ou CDD de courte durée. Ils sont nombreux dans l’hôtellerie-restauration, le commerce, la logistique ou la santé. Ces travailleurs connaissent souvent des temps morts entre deux contrats, qui deviennent problématiques dans une période de référence plus étroite.
- Les pluriactifs et indépendants précaires, qui alternent activité salariée et autoentrepreneuriat. Le régime d’indemnisation des indépendants (l’ATI) reste très restrictif. La majorité de ces profils revient donc vers le régime général, mais avec des carrières hachées, peu compatibles avec un seuil de huit mois continus ou presque.
Des effets redistributifs inversés
La réforme, si elle est appliquée, conduira à une forme de tri parmi les demandeurs d’emploi. Les travailleurs à l’emploi stable, en CDI ou à temps plein, continueront à accéder aux droits sans difficulté. À l’inverse, ceux dont le parcours est discontinu ou instable seront exclus, ou ne bénéficieront que d’allocations faibles. Le montant de l’ARE dépend du salaire antérieur. Plus les contrats sont courts ou à faible rémunération, plus l’indemnisation est réduite. Dans de nombreux cas, l’allocation minimum (31,59 € par jour) devient le plafond de fait.
Ce glissement accentue une logique déjà à l’œuvre : réserver la protection sociale aux trajectoires « complètes », avec peu d’interruptions. Cela s’éloigne du principe initial d’assurance chômage, conçu comme une couverture contre les aléas du marché du travail. Il tend vers un système contributif pur, où seuls ceux qui ont beaucoup cotisé sur une durée suffisante sont protégés.
Une réforme déjà chiffrée
L’Unédic a réalisé une simulation de l’impact de cette réforme. Selon des données publiées partiellement par Le Monde, l’allongement de la durée minimale d’activité aurait un effet significatif sur l’ouverture de droits. Le nombre de personnes non éligibles à l’ARE augmenterait sensiblement. Le gain budgétaire pour l’assurance chômage serait réel, mais concentré sur des économies réalisées sur les demandeurs les plus fragiles.
Officiellement, il ne s’agit encore que d’une proposition. Les partenaires sociaux doivent négocier d’ici mi-novembre. Mais la séquence est connue : le gouvernement fixe les paramètres, puis laisse une marge de discussion limitée.