Le 1er juillet 2020, Angeles Garcia-Poveda devenait la deuxième femme à prendre la tête du conseil d’administration d’un groupe du CAC 40. Sa nomination à la tête de Legrand, entreprise industrielle centenaire, n’était que l’aboutissement d’un parcours méthodique, fait de constance, de choix mûris et de convictions fortes.
Née en 1970 sur l’île de La Palma, dans les Canaries, cette Franco-Espagnole de cœur grandit au croisement de plusieurs mondes. Un père galicien, une mère canarienne, une scolarité française à Madrid, une formation européenne entre l’ICADE et NEOMA, puis un détour par Harvard. Ce parcours académique construit les fondations d’un regard panoramique, où se croisent rigueur intellectuelle, exigence analytique et sens des réalités humaines. Déjà, l’idée que la décision stratégique ne vaut que par la qualité des hommes et des femmes qui la portent.
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3000 entretiens conduits
Sa carrière débute dans la finance, mais c’est chez Boston Consulting Group, en 1993, qu’elle trouve son terrain de jeu : le conseil stratégique. Elle est la première femme consultante dans l’équipe madrilène – une pionnière discrète. Et quand elle demande son transfert à Paris pour suivre celui qui deviendra son mari, elle pose aussi les premiers jalons d’une trajectoire atypique. Elle passera quatorze années au BCG, dont sept à s’occuper des ressources humaines, conduisant quelque 3 000 entretiens. Une immersion utile pour celle qui, plus tard, prendra la mesure fine des équilibres d’un conseil d’administration.
2008, nouveau virage : elle entre chez Spencer Stuart, cabinet de chasse de têtes, le jour de la faillite de Lehman Brothers. Période de chaos. Mais elle avance, structure, adapte. Elle gravit les échelons : direction de la France, puis de la zone EMEA, puis comité exécutif mondial. Là encore, pas de grand discours, mais une capacité à écouter, organiser, convaincre. Une compétence rare : savoir lire un système complexe tout en gardant le cap stratégique.
De plus en plus influente
Sa spécialisation en gouvernance s’affirme dans la décennie suivante. Elle entre au conseil de Legrand en 2012, poussée par la loi Copé-Zimmermann. L’année suivante, elle devient administratrice référente. Sept ans plus tard, elle prend la présidence. Rien de précipité. Chaque étape préparée, chaque rôle assumé. Le conseil qu’elle dirige aujourd’hui ne ressemble guère aux cénacles traditionnels : 82 % d’indépendants, 55 % de femmes, sept nationalités. Une diversité réelle, mais pensée comme un outil, pas un slogan. Elle y préside les comités clefs – rémunérations, nominations, RSE – avec la même exigence de cohérence entre ambition financière et responsabilité sociale.
Mais Angeles Garcia-Poveda ne s’arrête pas aux portes de Legrand. Elle étend son influence dans les cercles où se pense la transformation de l’entreprise. Elle parraine Chapter Zero France, coanime le groupe « Gouvernance Climat » de l’Institut de la Finance Durable, publie en 2024 un rapport remarqué sur l’intégration des enjeux climatiques dans les conseils. Avec une idée forte : la transition ne se décrète pas, elle se gouverne. En formant, en structurant, en intégrant les enjeux environnementaux dans les décisions du quotidien.
Elle siège aussi au Haut Comité de Gouvernement d’Entreprise, au MEDEF, à NEOMA. Ces mandats, loin d’être décoratifs, prolongent sa conviction : une bonne gouvernance n’est pas qu’un gage de conformité. C’est un outil de performance, d’anticipation, de transformation. Un espace où se construit le temps long.
Discrète dans les médias, sobre dans le style, Angeles Garcia-Poveda tranche avec les figures flamboyantes du capitalisme de scène. Elle incarne une autre forme de pouvoir : structuré sans être rigide, inclusif sans être militant, exigeant sans tapage. Une manière de dire que la gouvernance, bien pensée, peut être une force tranquille.