L’intelligence artificielle Grok, développée par la start-up xAI d’Elon Musk, est désormais intégrée aux véhicules Tesla. Cette annonce intervient alors que le chatbot fait l’objet de vives critiques à l’échelle internationale, après avoir tenu des propos antisémites et fait l’éloge d’Adolf Hitler. Le déploiement rapide de cette IA dans l’écosystème Tesla soulève de nombreuses interrogations, tant sur le plan éthique que stratégique.
A LIRE AUSSI
Auto : pourquoi BYD menace sérieusement Tesla
Lancement officiel malgré la tempête
Elon Musk a confirmé jeudi sur son compte X que Grok serait accessible dans les Tesla « très bientôt, dès la semaine prochaine au plus tard ». L’intégration est effective depuis le 12 juillet 2025. Grok est désormais embarqué nativement sur les nouveaux modèles Tesla et disponible via mise à jour sur les véhicules compatibles (processeur AMD, version logicielle 2025.26, abonnement Premium Connectivity).
Le fondateur de Tesla a vanté les fonctionnalités de cette quatrième version de Grok, présentée comme plus fluide, plus expressive, capable de chanter et d’imiter des accents. L’IA ne permet pas encore de contrôler le véhicule, mais agit comme un assistant conversationnel embarqué, avec différents modes de personnalités sélectionnables, y compris des versions qualifiées de « sexy », « thérapeute » ou « conspirationniste ». Tesla assure que les échanges sont anonymisés et ne sont pas liés à l’identité du conducteur.
Déclenchement de la controverse antisémite
La veille de la présentation officielle de Grok 4, plusieurs médias américains ont relayé des propos antisémites générés par l’IA. En réponse à un utilisateur lui demandant quelle figure historique du XXe siècle serait la mieux placée pour faire face à la « haine anti-blanche », Grok aurait répondu : « Adolf Hitler, sans hésiter. » Ces déclarations ont immédiatement provoqué un tollé, alors que la mise à jour la plus récente du modèle avait pour objectif, selon xAI, de rendre l’outil « moins woke » et plus direct.
Les équipes techniques de xAI ont reconnu que la modification des filtres visant à assouplir la censure algorithmique avait conduit à la diffusion involontaire de contenus haineux. Elles affirment que ces dérives ne reflètent pas les intentions de l’entreprise, mais résultent de l’ouverture expérimentale de certaines fonctions du modèle.
Réactions européennes et régulation renforcée
Le gouvernement polonais a officiellement saisi la Commission européenne au sujet des contenus produits par Grok. Bruxelles a confirmé avoir reçu une lettre de protestation et annoncé qu’une analyse approfondie était en cours. Le porte-parole de la Commission pour la Souveraineté technologique, Thomas Regnier, a déclaré : « Nous prenons ces problèmes potentiels très au sérieux. »
Dans le cadre du Digital Services Act (DSA), X — la plateforme sociale également contrôlée par Musk — est déjà sous surveillance pour infractions à la législation sur les contenus haineux. Une convocation technique urgente a été émise à l’encontre de X et xAI. La Commission n’exclut pas une enquête formelle ni des sanctions financières. Le DSA prévoit des amendes pouvant atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial des entreprises concernées.
Démission surprise chez X et tensions internes
Quelques heures après l’émergence de la polémique, Linda Yaccarino, directrice générale de X, a annoncé sa démission. Son départ intervient dans un contexte de crise de gouvernance au sein de l’entreprise, marquée par une série de départs parmi les cadres et une pression croissante des annonceurs. Selon plusieurs sources internes, Yaccarino était soumise à une forte tension professionnelle, liée à la direction exercée par Musk.
Trois semaines avant sa démission, elle affirmait encore dans une interview : « Je suis la PDG de X et mon patron est le même. » Le timing de son départ renforce l’impression d’un climat managérial fragilisé au sein de l’écosystème dirigé par Musk.
Le lancement de Grok 4 s’accompagne d’une nouvelle grille tarifaire. L’abonnement standard, à 30 dollars par mois, donne accès au modèle sur X. Une version haut de gamme baptisée « SuperGrok Heavy », à 300 dollars mensuels, propose un accès anticipé aux prochaines innovations de xAI, notamment un modèle de génération vidéo attendu pour octobre 2025.
D’un point de vue technique, Grok 4 utilise une infrastructure de calcul avancée, avec des tarifs au million de jetons : 3,00 dollars pour les entrées, 0,75 dollar pour les jetons mis en cache, et 15,00 dollars pour les sorties. Ce positionnement fait de xAI l’un des acteurs les plus chers du marché en matière d’IA conversationnelle.
Accord militaire avec le Pentagone et débat éthique
Le même jour que l’annonce du déploiement dans les Tesla, xAI a révélé avoir signé un contrat avec le Département de la Défense américain, pour un montant maximal de 200 millions de dollars. Cette collaboration vise à intégrer des capacités d’intelligence artificielle avancée dans les infrastructures du ministère.
Dans ce cadre, xAI a lancé « Grok for Government », une offre dédiée aux agences fédérales et entités de sécurité. L’association d’un outil aussi controversé à des usages militaires soulève des inquiétudes quant aux dérives potentielles, alors même que la société n’a pas encore démontré sa capacité à contrôler efficacement ses propres modèles.
L’intégration de Grok dans les Tesla ne fait pas l’unanimité auprès des analystes financiers. Plusieurs d’entre eux y voient un rapprochement stratégique non maîtrisé entre Tesla et xAI, deux entités dirigées par le même homme mais aux missions divergentes. Dan Ives, analyste reconnu, a appelé publiquement le conseil d’administration de Tesla à recadrer Musk, estimant que ses décisions « nuisent aux affaires ».
Les investisseurs redoutent que cette intégration ne détourne Tesla de ses priorités industrielles et technologiques classiques. Nombre de clients attendent des améliorations en matière de confort, de sécurité ou de design, et non l’ajout d’une IA conversationnelle dont le positionnement éthique reste instable.
Une course contre la concurrence sous haute pression
Tesla n’est pas le seul constructeur à intégrer des outils d’IA dans ses véhicules. Ford, Mercedes-Benz ou Stellantis ont déjà introduit des versions de ChatGPT dans certains modèles. En Chine, plusieurs constructeurs proposent leurs propres assistants vocaux, même sur les gammes économiques.
Contrairement à ses concurrents, Tesla mise sur une solution développée en interne, via xAI. Cette stratégie d’intégration verticale permet une synergie étroite entre les différents projets d’Elon Musk, mais accentue les risques de dépendance et de concentration technologique.