Le wifi des TGV va-t-il enfin fonctionner ?

Fini les galères de connexion dans les trains ? La SNCF s’apprête à franchir un cap technologique majeur, et ça pourrait tout changer.

À l’heure où les voyageurs attendent une connectivité fluide et continue, le wifi à bord des trains de la SNCF reste, pour beaucoup, un service défaillant. Consciente du décalage entre les usages modernes et les performances réelles, la compagnie ferroviaire prépare une mutation technologique de grande ampleur. Une nouvelle génération de connectivité, portée par les satellites en orbite basse, pourrait équiper les TGV dès 2027. En coulisses, une bataille technologique et géopolitique s’engage entre Starlink et Eutelsat-OneWeb, dans un contexte où souveraineté numérique et pression concurrentielle se conjuguent.

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Une connectivité en deçà des attentes

Malgré les efforts engagés ces dernières années, le service wifi à bord des trains SNCF reste largement critiqué. Coupures fréquentes, lenteurs, impossibilité d’utiliser des services essentiels comme la visioconférence ou le streaming : les voyageurs, professionnels comme particuliers, peinent à rester connectés pendant leurs trajets.

La situation s’explique par des contraintes techniques importantes. Aujourd’hui, la connectivité repose quasi exclusivement sur les réseaux mobiles 4G et 5G, relayés par plus de 18 000 antennes installées le long des voies. Mais à 300 km/h, les trains traversent rapidement les cellules de couverture. Les zones blanches persistent, et les rames elles-mêmes, véritables cages de Faraday en raison de leur structure métallique, affaiblissent encore le signal. Résultat : une expérience d’usage trop souvent frustrante.

Pour dépasser ces limites, la SNCF prévoit une évolution de fond. Un appel d’offres doit être lancé d’ici la fin de l’année 2025 pour déployer une technologie hybride, associant les réseaux terrestres actuels à une connexion Internet par satellite via des constellations en orbite basse (LEO, Low Earth Orbit).

Cette solution offrirait plusieurs avantages décisifs : suppression des zones blanches, latence réduite, stabilité accrue, et couverture homogène, même dans les territoires les plus reculés. Elle ouvrirait la voie à un service plus proche des attentes actuelles, permettant le télétravail en mobilité et l’accès continu à des services numériques exigeants.

L’appel d’offres en préparation oppose deux géants du spatial. D’un côté, Starlink, filiale de SpaceX (Elon Musk), qui dispose déjà de plus de 7 500 satellites en orbite et d’une solide expérience, notamment dans l’aviation avec Air France, qui utilise son réseau depuis l’été 2025. Starlink a également initié des tests concluants dans le ferroviaire avec la compagnie écossaise ScotRail, enregistrant des débits allant jusqu’à 220 Mbps et une latence de 40 millisecondes.

De l’autre, Eutelsat-OneWeb, issu du rapprochement entre le français Eutelsat et la société britannique OneWeb, mise sur son ancrage européen et la souveraineté numérique. Fort d’une constellation d’environ 650 satellites, l’opérateur a récemment renforcé son alliance avec Orange Business Services pour proposer une alternative locale, alignée avec les orientations stratégiques de l’État français, actionnaire principal d’Eutelsat depuis 2023.

Le choix du fournisseur ne sera pas uniquement dicté par des critères techniques. Il pose également une question de dépendance technologique à l’égard d’un acteur américain dominant, dans un contexte de tensions sur la maîtrise des infrastructures numériques.

Des défis industriels considérables

L’installation de connexions satellitaires sur des rames à grande vitesse représente un défi technique de premier ordre. Il faudra notamment équiper les toitures de chaque rame d’antennes plates spécifiques, valider leur résistance à des vitesses élevées, assurer leur interopérabilité avec les systèmes informatiques embarqués et franchir les nombreuses étapes d’homologation ferroviaire.

L’intérêt des satellites en orbite basse est justement de répondre à ces contraintes de mobilité : situés à quelques centaines de kilomètres de la Terre – contre 36 000 km pour les satellites géostationnaires traditionnels – ils offrent une latence bien inférieure et une qualité de connexion adaptée aux environnements dynamiques comme le transport ferroviaire.

Les essais réalisés en Écosse témoignent des bénéfices tangibles de cette technologie : amélioration notable du service wifi passager, mais aussi avancées opérationnelles importantes, telles que la télésurveillance vidéo, le diagnostic à distance des systèmes de bord ou encore la géolocalisation fine des trains.

Dimension politique

Le choix technologique que s’apprête à faire la SNCF engage également une dimension politique. En 2021, la décision de confier l’hébergement des données du groupe à Amazon Web Services (AWS) avait suscité de vives critiques, notamment de la part de défenseurs d’un cloud européen. Cette fois, le contexte est différent : le gouvernement français, actionnaire d’Eutelsat, soutient activement une solution nationale.

L’alliance entre Eutelsat et Orange, acteur-clé des télécommunications publiques et privées, constitue une offre cohérente au regard des objectifs de souveraineté. Elle pourrait jouer un rôle décisif au moment de trancher entre performance brute et indépendance stratégique.

Un calendrier prudent

Officiellement, la SNCF maintient une position réservée. « Des réflexions et expérimentations sont en cours pour améliorer la connectivité, mais aucune décision n’a encore été prise concernant un fournisseur », indique l’entreprise. Le calendrier reste conditionné à la réussite des tests et à la complexité du déploiement.

Selon les informations disponibles, le calendrier prévisionnel s’établit comme suit :

  • Fin 2025 : lancement officiel de l’appel d’offres
  • 2026 : attribution du contrat et début des expérimentations
  • 2027–2028 : déploiement progressif sur les lignes TGV prioritaires
  • Horizon 2030 : extension aux lignes Intercités et TER

Une promesse de transformation profonde

Au-delà de l’amélioration de l’expérience passager, une connectivité stable à bord pourrait ouvrir la voie à une transformation structurelle de l’exploitation ferroviaire. Maintenance prédictive, suivi en temps réel, gestion dynamique des incidents, sécurité embarquée : la numérisation du réseau passe aussi par une infrastructure de communication à la hauteur.

Pour les voyageurs, le gain serait immédiat. Télétravail en mobilité, visioconférence fluide, accès aux plateformes de divertissement : autant de services devenus standards dans les transports aériens ou chez certains concurrents, comme Trenitalia, dont le Frecciarossa assure une connexion jugée fiable et constante sur la ligne Paris–Lyon.



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