OL : Michèle Kang, une gestionnaire dans la tempête lyonnaise

Michèle Kang prend la tête d’un Olympique Lyonnais en pleine tempête. Objectif : restructurer, assainir les finances et faire du club un modèle durable.

En ce début d’été 2025, l’Olympique Lyonnais vit l’un des épisodes les plus critiques de son histoire. La DNCG a acté la relégation administrative du club en Ligue 2 pour irrégularités financières – le club espère sans trop y croire à une annulation de cette sanction en appel. John Textor, président du club et de sa maison mère Eagle Football Group, est prié d’aller voir ailleurs. Sa gestion, marquée par l’instabilité et l’accumulation d’échecs, laisse un club affaibli, sur les plans sportifs comme institutionnels.

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C’est dans ce contexte que Michele Kang prend la direction de l’OL et d’Eagle Football. Déjà propriétaire majoritaire de la section féminine depuis février 2024, elle devient présidente-directrice générale de l’ensemble. Cette prise de fonction n’est pas le fruit d’un plan de succession longuement préparé, mais d’une transition imposée par l’urgence. Elle l’aborde sans mise en scène, mais avec des priorités nettes : remettre de l’ordre, poser des bases solides et orienter l’action vers des objectifs clairs.

De la santé à l’organisation d’entreprise

Michele Kang n’est pas issue du monde du sport. Elle a grandi en Corée du Sud, puis a émigré aux États-Unis dans les années 1980. Elle y a suivi une formation en économie à l’université de Chicago, puis en management à Yale. Elle commence sa carrière comme consultante chez Ernst & Young, avant de rejoindre Northrop Grumman, où elle dirige un département dédié à la santé et aux technologies de l’information.

En 2008, elle crée Cognosante, une entreprise qui accompagne les agences de santé américaines dans la modernisation de leurs systèmes. Quinze ans plus tard, la société est valorisée à plus d’un milliard de dollars. Cognosante intervient dans des secteurs réglementés, techniques, peu propices à des retours immédiats. L’entreprise met l’accent sur la fiabilité, l’efficacité des process et le pilotage par les données.

Ce parcours a formé chez Kang une approche structurée de la gestion : entrer dans des environnements en déséquilibre, identifier les points de rupture, redéfinir une organisation et y affecter les bons moyens.

Washington Spirit : première application

Elle découvre le football professionnel en 2020, en devenant actionnaire minoritaire du Washington Spirit. L’entrée se fait sur un temps court. À peine arrivée, elle assiste à l’éclatement d’une affaire de harcèlement moral visant l’entraîneur Richie Burke. L’enquête élargie révèle des dysfonctionnements plus profonds dans le club et dans la ligue.

Kang demande alors le retrait du président Steve Baldwin et entame un bras de fer. En mars 2022, elle rachète le club avec le soutien de toutes les joueuses. Dès lors, elle engage une réorganisation complète. Plusieurs cadres quittent leurs postes. Mark Parsons, ancien sélectionneur des Pays-Bas, est nommé entraîneur. Les conditions d’entraînement changent : partenariat avec le D.C. United, déménagement au stade Audi Field, investissements dans le matériel et les infrastructures.

Kang ne cherche pas une remontée rapide au classement, mais une amélioration globale de l’environnement de travail, avec pour finalité une meilleure performance.

Lyon : de la section féminine à l’ensemble du club

En février 2024, Michele Kang acquiert 52 % de la section féminine de l’Olympique Lyonnais. Elle y poursuit une logique déjà engagée aux États-Unis : faire d’une équipe féminine un projet complet, avec ses propres moyens et son propre plan de développement. En mai 2025, elle annonce un changement de nom : OL Lyonnes. Elle présente un nouveau logo, tout en conservant les éléments d’identité du club — les couleurs et la figure du lion.

Lorsque John Textor quitte ses fonctions quelques semaines plus tard, Kang prend la tête de l’ensemble du club. Elle hérite d’une situation instable, financièrement dégradée. Elle nomme Michael Gerlinger directeur général, envoie un signal de stabilité interne, et participe activement à la procédure d’appel devant la DNCG.

Sa méthode est celle d’une gestionnaire : analyser les dépenses, clarifier les responsabilités, donner un cap à court terme tout en définissant une trajectoire à deux ou trois ans.

Professionnaliser le sport féminin

Le projet OL Lyonnes s’inscrit dans une volonté d’autonomie fonctionnelle. Kang prévoit la construction d’un centre d’entraînement réservé aux athlètes féminines, avec une livraison prévue en 2026. Tous les matchs à domicile sont désormais joués au Groupama Stadium. Ce choix implique des coûts, mais reflète une orientation claire : offrir aux joueuses un cadre équivalent à celui des professionnels masculins.

Kang rejette l’idée d’un stade intermédiaire, moins coûteux mais aussi moins ambitieux. Elle estime que le football féminin peut attirer un public large, à condition d’en améliorer l’offre, les infrastructures et la lisibilité. Le projet n’est pas dépendant des résultats immédiats, mais s’appuie sur une logique d’investissement long.

Un réseau de clubs, sans hiérarchie imposée

Au-delà de Lyon, Kang développe une structure internationale : Kynisca Sports. Elle y regroupe trois clubs féminins — le Washington Spirit, les London City Lionesses et OL Lyonnes — sans qu’aucun ne soit prioritaire. Contrairement à d’autres modèles multisites, elle ne bâtit pas une pyramide. Chaque club doit devenir compétitif dans son championnat.

Son objectif est que ces équipes se retrouvent en Ligue des champions, non comme satellites d’un projet central, mais comme entités capables de soutenir leur développement avec leurs propres moyens.

La structure repose sur des principes communs : qualité des équipements, gouvernance claire, encadrement technique exigeant. Mais l’adaptation locale reste la règle.

Pouvoir sans mise en scène

Michele Kang ne se montre pas souvent. Elle communique peu sur elle-même. Elle est rarement citée dans les médias en dehors de ses décisions concrètes. Pourtant, ceux qui travaillent avec elle relèvent une régularité d’exécution : les engagements sont tenus, les délais sont respectés, les arbitrages sont tranchés.

Son rapport aux joueuses est direct. Elle a prêté sa maison à l’une d’elles pour son mariage, participe à certaines activités du club sans protocole particulier. Elle évite les démonstrations, mais reste présente dans les moments-clés. Ce mode de fonctionnement repose moins sur le contrôle que sur l’instauration de repères partagés.

À Lyon comme ailleurs, Kang ne promet pas de victoire rapide. Elle ne prétend pas incarner une nouvelle ère, ni porter une vision singulière du football. Elle intervient avec un objectif clair : remettre en état une structure en déséquilibre, fixer des règles précises, redéfinir les priorités et s’y tenir.


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