C’est l’événement culturel majeur de l’été en France. À Montpellier, le musée Fabre rend hommage à Pierre Soulages avec une rétrospective d’ampleur inédite depuis la mort de l’artiste. Intitulée « La Rencontre », l’exposition, labellisée d’intérêt national par le ministère de la Culture, déploie quelque 120 œuvres sur plus de 1 200 m². Elle célèbre une relation de plus de quatre-vingts ans entre un peintre et une ville, entre une œuvre et un lieu fondateur.
Présentée du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026, cette exposition marque également le coup d’envoi des festivités liées au bicentenaire du musée Fabre. Elle s’annonce déjà comme un temps fort de l’été muséal en France.
A LIRE AUSSI
Immobilier : à Montpellier se loger devient mission impossible
Un lien fondateur
L’histoire entre Soulages et Montpellier commence en 1941, en pleine Seconde Guerre mondiale. Âgé de 22 ans, le jeune homme prépare le professorat de dessin à l’école des beaux-arts, alors logée dans le même bâtiment que le musée Fabre. C’est là qu’il découvre véritablement l’art.
« Le premier musée où j’ai commencé à regarder vraiment de près les tableaux, c’est le musée Fabre à Montpellier », confiera-t-il plus tard. Les toiles de Gustave Courbet, notamment L’Homme à la pipe et L’Autoportrait au col rayé, laissent une impression durable. Zurbarán et Véronèse marquent aussi son regard, mais c’est Courbet qui joue un rôle décisif dans sa formation.
C’est également à Montpellier qu’il rencontre Colette Laurens, étudiante comme lui. Ils se marient à Sète en octobre 1942. Leur union, indissociable de l’ancrage régional de l’artiste, scelle une fidélité mutuelle entre l’homme et ce territoire.
Une donation fondatrice
En 2005, Pierre et Colette Soulages offrent à Montpellier vingt œuvres majeures, accompagnées du dépôt de dix toiles supplémentaires. Ce geste place le musée Fabre parmi les principaux détenteurs de l’œuvre de Soulages, aux côtés du musée Soulages de Rodez, sa ville natale.
Les œuvres couvrent plus de soixante ans de création, de 1951 à 2012. La collection, enrichie par la suite, atteint aujourd’hui trente-quatre pièces. Elle permet d’appréhender l’évolution d’un langage pictural radical, fondé sur le noir, la lumière, la matière et la résonance.
Un écrin conçu avec l’artiste
L’attachement de Soulages à Montpellier ne s’est pas arrêté à cette donation. Lors de la rénovation du musée Fabre, il collabore à la création de salles permanentes conçues spécifiquement pour accueillir ses œuvres. Inaugurés en 2007, ces 600 m² d’exposition permanente témoignent d’un dialogue entre espace architectural et exigence artistique.
Soulages y impose un éclairage latéral tamisé. Certains polyptyques sont suspendus à l’aide de câbles, semblant flotter dans l’espace. Le mur de verre qui donne sur la cour filtre la lumière naturelle du Midi. L’artiste avait résumé ainsi son intention : « Ici, non seulement le reflet est pris en compte, mais il est partie intégrante de l’œuvre. »
Une rétrospective sans précédent
« La Rencontre » est la première grande rétrospective posthume de Pierre Soulages, décédé en 2022. Le parcours s’articule en six sections thématiques réparties sur trois niveaux du musée. Fidèle à l’esprit non chronologique que revendiquait l’artiste, l’exposition mêle œuvres majeures et influences fondatrices.
On y retrouve les traces des premières émotions esthétiques de Soulages – les menhirs sculptés du musée Fenaille à Rodez, découverts en 1937 – mais aussi le dialogue constant qu’il a entretenu avec les grands maîtres. Courbet, Cézanne, Rembrandt, Zurbarán, Van Gogh, Mondrian, Picasso : tous sont présents, en regard de ses propres toiles, aux côtés de contemporains tels qu’Hans Hartung, Anna-Eva Bergman, Pierrette Bloch ou Zao Wou-Ki.
Un dispositif immersif et pédagogique
Pour prolonger l’expérience, le musée propose une immersion en réalité virtuelle d’une quinzaine de minutes, coproduite par Lucid Realities. Le visiteur est conduit depuis l’atelier de Conques jusqu’aux salles permanentes de Montpellier, dans un parcours sensible accompagné de la voix d’Isabelle Huppert, lisant les propres mots de l’artiste.
Cette initiative s’inscrit dans une volonté de transmission. Le musée développe une politique d’éducation artistique ambitieuse, avec notamment le programme « Les enfants ambassadeurs », qui mobilise écoles et centres de loisirs dans toute la métropole. Soulages, dont l’œuvre a toujours refusé le spectaculaire, y devient le point de départ d’un apprentissage du regard.
Un rayonnement renforcé
Le label « exposition d’intérêt national » vient confirmer l’ampleur institutionnelle de l’événement. Il témoigne aussi de l’importance de Soulages dans le patrimoine artistique français. Montpellier, à travers ce projet, consolide sa place sur la carte des villes culturelles d’envergure, avec des retombées économiques directes pour la région.
Cette exposition accompagne par ailleurs une transition importante à la tête du musée. Après trente-trois ans de direction, Michel Hilaire cède sa place. Maud Marron-Wojewodzki, ancienne directrice du musée Soulages de Rodez, prend la relève. Ce passage de témoin renforce les liens entre les deux institutions, désormais partenaires dans la valorisation de l’œuvre.