Ce que gagnent vraiment les élus en France

De l’élu municipal au parlementaire, les revenus et avantages varient fortement selon le niveau de responsabilité. Tour d’horizon complet d’un système aussi structuré que complexe.

1. Les parlementaires : un régime d’indemnités et de frais particulièrement complet

La France compte actuellement 925 parlementaires : 577 députés élus au suffrage universel direct pour cinq ans, et 348 sénateurs élus pour six ans au suffrage indirect. Si les députés représentent la nation, les sénateurs incarnent les territoires. Tous exercent des responsabilités centrales dans le processus législatif : voter la loi, contrôler l’action du gouvernement, amender les textes, représenter leurs circonscriptions.

A LIRE AUSSI
Combien gagne vraiment un député en 2025 ?

Une indemnité mensuelle stable et encadrée

Depuis le 1er janvier 2024, les députés et sénateurs perçoivent une indemnité brute mensuelle de 7 637,39 euros, répartie ainsi :

  • Indemnité de base : 5 931,95 €
  • Indemnité de résidence (3 %) : 177,96 €
  • Indemnité de fonction (25 %) : 1 527,48 €

Ce montant est indexé sur les traitements des fonctionnaires de l’État occupant les plus hauts postes.

L’AFM : une enveloppe de frais conséquente

L’Avance de frais de mandat (AFM), revalorisée en mai 2025 à 6 353 euros mensuels (contre 5 950 € en janvier 2024), couvre de nombreuses dépenses professionnelles. Elle permet notamment :

  • L’achat ou la location de véhicules, avec remboursement de carburant, assurances, entretien ou péages ;
  • Le remboursement de l’utilisation d’un véhicule personnel via un barème kilométrique ;
  • Le financement d’un logement à Paris (jusqu’à 1 200 €/mois), étendu à 12 mois en cas d’enfants en bas âge ;
  • Le paiement de services de communication (site Internet, réseaux sociaux, documentation, téléphonie) et d’événements politiques.

Transports : prise en charge directe et étendue

Les députés bénéficient de la gratuité :

  • Des trains sur l’ensemble du territoire ;
  • Des vols entre Paris et leur circonscription ;
  • Des transports en commun à Paris via le pass Navigo ;
  • Des frais de taxi, VTC, moto-taxi, auto- ou vélo-partage ;
  • De certains péages départementaux ;
  • Des transports et hébergements des députés d’Outre-mer lorsqu’ils se rendent dans leur circonscription.

2. Les élus locaux : des indemnités variables et un ancrage territorial fort

Une majorité d’élus dans de petites communes

Parmi les 546 040 élus municipaux répartis dans 34 935 communes, 80 % exercent dans des collectivités de moins de 3 500 habitants, et 56 % dans des villages de moins de 1 000 habitants. Ces élus forment la base du maillage démocratique local. Les 34 787 maires cumulent fonctions exécutives et responsabilités d’agents de l’État.

Des indemnités fixées par l’indice brut 1027

Depuis 2016, les indemnités des maires sont automatiquement fixées au taux maximal, sans vote du conseil municipal. Elles sont calculées en pourcentage de l’indice brut 1027 de la fonction publique, soit un niveau de référence utilisé pour évaluer les rémunérations des agents publics. En 2025, cela correspond à environ 4 110,52 € brut pour 100 % de l’indice.

Voici les taux appliqués selon la taille de la commune :

  • Moins de 500 habitants : 25,5 % de l’IB 1027, soit environ 1 050 € brut/mois
  • 500 à 999 habitants : 40,3 %
  • 1 000 à 3 499 habitants : 51,6 %
  • 3 500 à 9 999 : 55 %
  • 10 000 à 19 999 : 65 %
  • 20 000 à 49 999 : 90 %
  • 50 000 à 99 999 : 110 %
  • 100 000 habitants et plus : 145 %

Des majorations jusqu’à 50 % peuvent être accordées dans certains cas : communes sinistrées, stations touristiques, chef-lieu de canton ou communes bénéficiaires de la DSU (dotation de solidarité urbaine).

Paris, Lyon, Marseille : des régimes d’exception

Paris : un système indemnitaire unique

Le maire de Paris bénéficie d’un statut spécifique, avec une indemnité mensuelle brute de 7 912,76 €, soit 192,5 % de l’indice brut 1027. Ce montant est nettement supérieur à celui accordé aux maires d’autres grandes villes françaises.

Les adjoints au maire de Paris perçoivent 5 282,02 € brut par mois (128,5 % de l’IB 1027), également bien au-dessus de la moyenne nationale.

Les maires d’arrondissement parisiens sont divisés en deux catégories :

  • Ceux qui sont aussi conseillers de Paris : 5 282,02 €
  • Ceux qui ne le sont pas : 2 980,13 €

Les adjoints aux maires d’arrondissement non conseillers de Paris reçoivent 1 418,13 € brut mensuel.

Les conseillers de Paris, cumulant fonctions municipales et départementales, touchent 3 720,02 € brut par mois, un montant très supérieur à celui des conseillers municipaux des autres villes.

Lyon : majorations liées au statut territorial

Le maire de Lyon perçoit 5 000,21 € brut mensuel d’indemnité de base, porté à 7 500,31 € grâce à une majoration de 50 % liée à son statut de chef-lieu de département et station de tourisme.

Les maires d’arrondissement de Lyon perçoivent 2 980,13 € brut mensuel, soit 72,5 % de l’IB 1027, tandis que les adjoints touchent 1 418,13 €, soit 34,5 % de l’indice.

Les conseillers municipaux lyonnais peuvent également percevoir jusqu’à 1 418,13 €, soit près de sept fois plus que dans d’autres grandes villes françaises, où l’indemnité est plafonnée à 247 €.

Marseille : une organisation comparable à Lyon

À Marseille, le maire perçoit l’indemnité maximale autorisée pour les villes de plus de 100 000 habitants, soit 5 960,26 € brut mensuel (145 % de l’IB 1027).

Les maires d’arrondissement reçoivent également 2 980,13 €, et les adjoints 1 418,13 €, comme à Lyon.

Les conseillers municipaux marseillais peuvent eux aussi percevoir jusqu’à 1 418,13 €, bien au-delà du plafond commun aux autres grandes villes.

Vers une réforme du régime électoral des grandes villes

Le statut spécifique de Paris, Lyon et Marseille fait actuellement l’objet d’une proposition de loi, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 9 avril 2025. Si elle est votée définitivement, cette réforme pourrait s’appliquer dès les élections municipales de 2026 et impacter l’organisation institutionnelle ainsi que les régimes indemnitaires de ces collectivités.

3. Les élus départementaux et régionaux : gestion des solidarités et aménagement du territoire

Depuis la réforme de 2013, les 4 044 conseillers départementaux sont élus au scrutin binominal paritaire. Ils interviennent dans les domaines de l’action sociale, de l’éducation (collèges), de l’aménagement territorial et de la sécurité routière.

  • Président de conseil départemental : 5 960,26 € brut/mois (145 % de l’IB 1027)
  • Vice-présidents : +40 %
  • Membres de la commission permanente : +10 %

Les présidents de conseil régional perçoivent la même indemnité que leurs homologues départementaux.

4. Remboursements et frais annexes : une prise en charge encadrée

Garde d’enfants et personnes dépendantes

Depuis la loi « Engagement et proximité » de 2019, les communes doivent rembourser les frais de garde pour permettre aux élus d’assister aux réunions. Le plafond correspond au SMIC horaire x nombre d’heures de réunion. L’État compense cette dépense pour les communes de moins de 3 500 habitants via l’Agence de services et de paiement (ASP), sur demande dans l’année suivant le défraiement.

Déplacements et situations spécifiques

Les élus municipaux et communautaires peuvent se faire rembourser les frais de déplacement hors commune pour participer aux conseils communautaires, réunions intercommunales ou instances externes.

Les élus en situation de handicap peuvent également prétendre au remboursement de frais spécifiques (déplacements, accompagnement, aide technique), dans la limite de 991,80 € par mois (barème de 2021).

5. Fiscalité et plafonds : des règles communes à tous les niveaux

Une fiscalité encadrée par la FRFE

Toutes les indemnités d’élus sont imposables selon les règles des traitements et salaires, mais bénéficient de la Fraction Représentative des Frais d’Emploi (FRFE). Pour la déclaration 2025, les montants sont :

  • Élus des communes de moins de 3 500 habitants : 1 592,83 €/mois, quel que soit le nombre de mandats
  • Autres élus :
    • Un seul mandat : 698,79 €/mois
    • Plusieurs mandats : 1 048,18 €/mois

Le plafonnement du cumul

Les élus ne peuvent percevoir plus de 8 897,93 € brut mensuel d’indemnités, tous mandats confondus. En cas de dépassement, le surplus est écrêté et reversé à la collectivité dans laquelle le dernier mandat a été acquis.

6. Réformes récentes : vers une reconnaissance renforcée du mandat local

La loi « Engagement et proximité » de 2019 a marqué une évolution notable du statut de l’élu local, notamment pour les petites communes rurales. Elle a :

  • Rendu obligatoire le remboursement des frais de garde ;
  • Permis une revalorisation des indemnités des maires de moins de 3 500 habitants ;
  • Étendu leur protection sociale.

En 2024, la Dotation Particulière Élu Local (DPEL) a été élargie à toutes les communes de moins de 1 000 habitants, contre 500 précédemment. Elle permet de financer les dépenses liées aux autorisations d’absence, formations et revalorisations salariales.

Niveau / Collectivité Fonction Montant brut mensuel (€) % de l’IB 1027 Remarques
National Député / Sénateur 7 637,39 Inclut indemnité de base, résidence, fonction
National Avance de frais de mandat (AFM) 6 353 Budget non imposable pour frais professionnels
Département / Région Président de conseil 5 960,26 145 % Identique pour département et région
Département / Région Vice-président +40 % Majoration de l’indemnité de base
Département / Région Membre commission permanente +10 % Cumulable avec autres fonctions
Commune Maire < 500 habitants ≈1 050 25,5 % Indemnité automatique depuis 2016
Maire 500–999 habitants 40,3 %  
Maire 1 000–3 499 habitants 51,6 %  
Maire 3 500–9 999 habitants 55 %  
Maire 10 000–19 999 habitants 65 %  
Maire 20 000–49 999 habitants 90 %  
Maire 50 000–99 999 habitants 110 %  
Maire > 100 000 habitants 145 %  
Paris Maire de Paris 7 912,76 192,5 % Régime spécifique
Adjoint au maire 5 282,02 128,5 %  
Maire d’arr. (conseiller Paris) 5 282,02 128,5 % Double mandat
Maire d’arr. (non conseiller) 2 980,13 72,5 %  
Adjoint au maire d’arr. 1 418,13 34,5 %  
Conseiller de Paris 3 720,02 Fonction municipale et départementale
Lyon Maire de Lyon 7 500,31 182,5 % Avec majoration (chef-lieu + tourisme)
Maire d’arrondissement 2 980,13 72,5 %  
Adjoint au maire d’arr. 1 418,13 34,5 %  
Conseiller municipal 1 418,13 Montant exceptionnel
Marseille Maire de Marseille 5 960,26 145 % Plafond pour ville > 100 000 hab.
Maire d’arrondissement 2 980,13 72,5 %  
Adjoint au maire d’arr. 1 418,13 34,5 %  
Conseiller municipal 1 418,13  

Note : IB 1027 = 4 110,52 € brut/mois en 2025. Plafond de cumul d’indemnités : 8 897,93 €/mois. Réforme en cours sur Paris, Lyon, Marseille (application possible en 2026).


Partagez votre avis