Derrière la revente de vêtements de luxe, une startup française inconnue : Faume

Isabel Marant, Victoria Beckham, Lacoste… Ces marques ont récemment intégré une offre de seconde main directement sur leur site officiel. Même esthétique, même qualité de service, même exigence que pour le neuf. Rien, dans l’interface, ne signale la présence d’un tiers.

Et pourtant, toutes s’appuient sur la même entreprise. Elle n’apparaît nulle part, ne vend rien au grand public, ne signe aucun contenu. Elle opère en retrait, sur commande. Cette société s’appelle Faume. Une startup française, inconnue de tous (ou presque), qui a su prendre une position stratégique dans l’un des pans les plus dynamiques de l’industrie de la mode.

A LIRE AUSSI
Faguo, la marque écoresponsable qui bouscule la mode

Une solution clé-en-main pour intégrer la seconde main

Créée à Paris en 2020, Faume fournit aux marques de mode et de luxe une solution clé-en-main pour reprendre le contrôle sur leur marché de seconde main. La promesse est celle-ci : intégrer une plateforme de revente directement dans leur site e-commerce, sans rupture dans l’expérience client, sans dilution de l’image de marque.

Faume conçoit les interfaces, gère la logistique, supervise le reconditionnement, assure le stockage. D’ici 2025, elle proposera aussi un moteur de tarification algorithmique capable d’ajuster les prix en temps réel. Le tout, en marque blanche. L’utilisateur final n’a, en principe, aucune idée de l’existence de l’opérateur.

Le modèle de Faume repose sur un postulat : elle ne s’adresse pas au consommateur. Son offre est exclusivement destinée aux marques. Pas de branding, pas de communauté, pas de canal de distribution propre. L’entreprise développe des outils, les configure pour ses clients, et s’efface.

Ce retrait est précisément ce que recherchent les maisons : conserver la pleine maîtrise de leur environnement digital, contrôler les données, préserver la cohérence du discours. Pour elles, Faume est un prolongement technique, pas un intermédiaire visible.

Reprise de contrôle des marques sur le marché de la revente

Depuis une décennie, la revente échappe largement aux marques. Les plateformes entre particuliers ont capté l’essentiel de la dynamique, sans que les griffes puissent en tirer un quelconque bénéfice direct — ni financier, ni relationnel, ni symbolique.

Dans le même temps, la seconde main s’impose comme un relais de croissance solide : +15 % par an en moyenne, contre à peine 1 ou 2 % pour le neuf. À cela s’ajoute l’explosion des coûts marketing. Pour beaucoup d’acteurs, l’équation devient intenable.

Faume propose une issue. En réinternalisant la revente, les marques ouvrent un nouveau canal de revenus tout en réactivant leur lien avec une cible plus jeune. Selon l’entreprise, 70 % des acheteurs en seconde main via ses plateformes sont de nouveaux clients. Certaines griffes réalisent déjà 10 % de leur chiffre d’affaires en ligne grâce à ce segment.

Une logistique de la seconde main structurée et invisible

Chaque pièce reprise est collectée, triée, nettoyée, contrôlée, photographiée, stockée, puis remise en vente selon les standards de la marque. Faume s’appuie sur trois centres partenaires — à Châteauroux, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni — pour absorber ces opérations, tout en garantissant un niveau de qualité constant.

L’enjeu n’est pas simplement de revendre, mais d’orchestrer un cycle fluide, cohérent, maîtrisé. Un système capable d’absorber l’hétérogénéité des produits sans fragiliser l’image des marques concernées.

Derrière Faume, quatre associés. Aymeric Déchin, passé par Vestiaire Collective et fondateur de Videdressing, assure la direction générale. Nicolas Viant pilote les opérations. Lucas Patricot supervise la stratégie financière. Jocelyn Kerbourc’h, ingénieur de formation, développe l’infrastructure technologique.

L’entreprise s’est d’abord construite sur fonds propres, avant de lever 2 millions d’euros en amorçage en 2021, puis 7 millions en 2022. En avril 2025, elle boucle un nouveau tour de table à 8 millions d’euros, mené par Amundi Private Equity Transition Juste, avec le soutien renouvelé de Daphni et Bpifrance.

Les financements servent à renforcer les équipes — 35 personnes à ce jour — et à consolider les outils logiciels, notamment le module de tarification dynamique.

Une ambition européenne pour imposer un modèle de mode circulaire

Faume revendique une croissance annuelle de 60 %. Elle travaille aujourd’hui avec plus de 45 marques, dont Isabel Marant, Sandro, Ami, Aigle, Balzac Paris, Soeur, ba&sh et Victoria Beckham. Cette dernière signature a marqué une percée décisive au Royaume-Uni et en Italie.

Depuis son lancement, plus de 300 000 articles ont été traités via les plateformes qu’elle opère, pour un impact estimé à 4 200 tonnes de CO₂ évitées. L’objectif annoncé est d’atteindre 150 marques clientes d’ici cinq ans, chacune générant plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires via la revente.

Dès l’origine, Faume a pensé son modèle à l’échelle européenne. L’entreprise réalise déjà 40 % de ses revenus hors de France. Elle accompagne ses clients dans leur développement en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Italie. Prochaine étape : l’Amérique du Nord, puis l’Asie.

Faume ne revendique pas un rôle de transformation. Elle le joue par effet de levier. En redonnant aux marques la main sur un marché jusqu’ici capté par des tiers, elle redessine silencieusement les contours de la mode circulaire.

L’entreprise encourage la production de pièces plus durables, propose des outils de mesure d’impact environnemental, et pousse ses clients à considérer la revente non comme un simple canal de déstockage, mais comme une stratégie commerciale à part entière.

« La seconde main n’a pas vocation à remplacer le neuf, mais à prolonger sa vie utile », souligne l’un des cofondateurs. Une logique qui pourrait, à terme, repositionner la revente comme une alternative aux soldes — plus durable, plus rentable, mieux maîtrisée.

Chiffres-clés

  • Année de création : 2020
  • Fondateurs : Aymeric Déchin, Nicolas Viant, Jocelyn Kerbourc’h, Lucas Patricot
  • Effectif : 35 salariés
  • Levées de fonds cumulées : 17 M€
  • Croissance 2024 : +60 %
  • Articles revendus à ce jour : 300 000+
  • Émissions CO₂ évitées : 4 200 tCO₂
  • Objectif 2029 : 150 marques partenaires, 1 M€ de revenus en seconde main par marque

Partagez votre avis