Airbus avait fait de l’hydrogène un symbole. En 2020, en pleine crise sanitaire et sous pression publique, le groupe s’engageait à transformer l’aérien — secteur parmi les plus polluants de la planète — en vitrine de la transition écologique. Cet engagement lui a permis de capter des aides massives, notamment les 15 milliards d’euros débloqués par l’État français, conditionnés à des efforts de décarbonation.
Mais dès que les contraintes industrielles et financières sont devenues plus claires, Airbus a changé de discours. Le projet de rupture technologique est rétrogradé à un simple programme de recherche. L’appareil promis — 200 passagers sur plus de 3 500 kilomètres — est abandonné au profit d’un concept beaucoup plus modeste.
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Airbus invoque des obstacles techniques : température de stockage de l’hydrogène à -253°C, refonte totale des architectures aéronautiques, absence d’infrastructures dans les aéroports. Ces difficultés étaient connues dès le départ. Elles n’ont pas empêché le groupe d’annoncer un calendrier irréaliste, sans garanties concrètes. Aujourd’hui, Airbus reconnaît que le projet n’est pas viable à court ou moyen terme.
Ce revirement pose une question centrale : à quoi servait ce projet ? À lancer une révolution industrielle ou à se construire une image verte à bon compte ? Airbus a su faire valoir sa volonté écologique au moment opportun. Il a recruté sur cette base, valorisé son image auprès du grand public et des investisseurs, et surtout, il a bénéficié de fonds publics importants.
L’abandon partiel du programme, sans justification transparente ni débat public, montre une chose : la stratégie climatique d’Airbus était d’abord un levier de communication et de financement. Elle ne s’appuyait pas sur un plan industriel crédible à long terme.
Airbus n’est pas seul à agir ainsi. BP renonce à ses engagements dans le renouvelable. Porsche revient au thermique. Les grandes entreprises qui avaient promis de « verdir » leurs modèles depuis 2020 reculent, les unes après les autres, dès que les marges sont en jeu. Le cas Airbus est emblématique, car il montre comment une entreprise peut instrumentaliser l’urgence écologique pour servir ses intérêts immédiats.
L’industrie aéronautique reste responsable de 2 à 3 % des émissions mondiales de CO₂. Elle bénéficie de subventions publiques massives, sans réelle obligation de résultats. Airbus, en réduisant ses ambitions sans rendre de comptes, montre que la régulation du secteur ne peut plus reposer sur la bonne volonté ou les effets d’annonce.
Le recul sur l’hydrogène n’est pas une simple décision technique. C’est un aveu de faiblesse politique. Airbus avait les moyens d’aller plus loin. Il a préféré reculer sans assumer. À ce stade, le discours climatique du groupe relève plus de la diversion que de la stratégie.