Airbus : l’A320 plutôt que l’hydrogène

L’avion à hydrogène devait être l’avenir. Pour l’instant, c’est une promesse en suspens. En 2020, Airbus lançait avec fracas son projet ZEROe, un avion révolutionnaire propulsé à l’hydrogène, promis pour 2035. Quatre ans plus tard, changement de cap.

L’avionneur européen repousse son calendrier, sans donner de nouvelle échéance. En interne, le message est passé début février : le projet est mis sur pause. Selon Force Ouvrière, le report pourrait atteindre cinq à dix ans. L’objectif de décarbonation de l’aviation devra attendre.

Pourquoi ce retard ? Parce que l’hydrogène ne se fabrique pas par magie. Il faut des infrastructures massives pour le produire, le transporter, le stocker et l’utiliser en toute sécurité. Or, l’industrie ne suit pas le rythme. Chez Airbus, on le reconnaît à demi-mot : « L’hydrogène a le potentiel d’être une source d’énergie révolutionnaire, mais développer un écosystème mondial prend du temps et nécessite des investissements colossaux.« 

En clair, tout est trop lent. Produire de l’hydrogène vert à grande échelle reste un défi. Les infrastructures aéroportuaires adaptées sont quasi inexistantes. La réglementation avance à pas de tortue. En France, les projets de production sont gelés, faute de financements.

Face à ces blocages, Airbus ajuste ses priorités.

Moins d’argent, moins d’ambition

Conséquence immédiate : les budgets fondent. Airbus réduit de 25 % les ressources allouées au projet ZEROe. Un démonstrateur de pile à combustible, prévu sur un A380, passe à la trappe. D’autres sous-projets connaissent le même sort. L’avionneur assure que ZEROe n’est pas enterré, mais le message est clair : l’hydrogène n’est plus une priorité immédiate.

Même si l’écosystème suivait, Airbus n’en aurait pas fini avec les obstacles. L’hydrogène liquide doit être stocké à -253°C, ce qui impose des réservoirs cryogéniques quatre fois plus volumineux que ceux du kérosène. Résultat : il faut repenser toute l’architecture des avions. Autre casse-tête : la sécurité. L’hydrogène est hautement inflammable et sa manipulation complexe. Enfin, pour qu’il contribue réellement à la décarbonation, il faudrait qu’il soit produit sans énergies fossiles. Aujourd’hui, 95 % de l’hydrogène mondial est issu du gaz naturel.

Ces défis expliquent pourquoi Airbus mise désormais sur des solutions plus réalistes à court terme.

L’A320 du futur en priorité

Plutôt qu’une rupture technologique incertaine, Airbus joue la carte de l’évolution maîtrisée. L’objectif : mettre sur le marché un remplaçant de l’A320, l’un des avions les plus vendus au monde. Le calendrier est serré : spécifications finalisées d’ici 2027-2028, lancement dans la foulée.

Ce nouvel appareil devra être plus sobre, plus électrique et surtout compatible avec les carburants d’aviation durables (CAD/SAF). Ces carburants, issus de biomasse ou de procédés synthétiques, permettent de réduire les émissions sans tout révolutionner. Moins spectaculaire que l’hydrogène, mais immédiatement exploitable.

Guillaume Faury, le PDG d’Airbus, ne fait pas de mystère : l’hydrogène ne jouera un rôle clé qu’après 2050. D’ici là, la décarbonation passera par des solutions éprouvées : CAD/SAF, nouveaux moteurs, avions plus légers, optimisation des opérations.

Le transport aérien représente environ 3 % des émissions mondiales de CO₂. Une part qui pourrait grimper avec la hausse du trafic. D’où la pression pour trouver des solutions. Airbus ne renonce pas à l’hydrogène, mais il faudra du temps, beaucoup de temps.


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