L’augmentation d’avril 2025 porte l’offre « Standard avec pub » à 7,99 euros mensuels, l’abonnement « Standard » à 14,99 euros, et la formule « Premium » à 21,99 euros. Ces hausses s’inscrivent dans une tendance globale. Sur les marchés nord-américains, européens et sud-américains, Netflix a procédé à des ajustements similaires, avec des augmentations comprises entre 1 et 3 unités monétaires selon les pays.
Officiellement, la plateforme explique ces revalorisations par le besoin de « réinvestir dans l’amélioration de Netflix », en particulier dans les contenus et la technologie. Mais derrière cet argument récurrent se déploie une stratégie plus structurée, visant à sécuriser sa position dominante dans un environnement concurrentiel tendu.
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Une stratégie fondée sur trois leviers principaux
Financer une production originale à grande échelle. Netflix a prévu de consacrer 18 milliards de dollars à la production de contenus originaux en 2025, soit une hausse de 11 % par rapport à l’année précédente. L’objectif : maintenir un catalogue attractif et diversifié, avec des séries populaires (« Wednesday », « Bridgerton »), des films à gros budget, mais aussi des formats spécialisés (K-dramas, documentaires, animation) adaptés à des marchés variés.
Absorber la hausse des coûts de production. Les coûts de fabrication des contenus ont fortement augmenté, en partie en raison de la compétition entre plateformes pour s’attacher les talents les plus reconnus, mais aussi sous l’effet général de l’inflation dans l’industrie audiovisuelle. Produire une série globale, capable de séduire simultanément les marchés américains, européens et asiatiques, nécessite des moyens importants.
Augmenter la rentabilité par abonné. Dans les marchés arrivés à maturité – comme l’Amérique du Nord ou l’Europe – la croissance du nombre d’abonnés ralentit. Netflix ajuste donc sa stratégie : à défaut d’élargir massivement sa base d’utilisateurs, la priorité devient d’augmenter le revenu moyen par abonné (ARPU). Les hausses tarifaires régulières participent directement de cette logique.
Une nouvelle architecture économique : contenus et publicité
Une partie des revenus générés par ces hausses est réinvestie dans la production, mais une autre sert à financer l’infrastructure technologique nécessaire au développement publicitaire de la plateforme. En avril 2025, Netflix a lancé sa propre régie – la Netflix Ads Suite – aux États-Unis. L’objectif est clair : faire passer les recettes publicitaires de 1,5 milliard en 2024 à 3 ou 4 milliards dès cette année.
Ce segment devient un axe stratégique majeur. Dans certains pays, jusqu’à 40 % des nouveaux abonnés optent pour l’offre avec publicité. Cette bascule vers un modèle mixte – payant et financé par la publicité – permet à Netflix de segmenter son offre et de toucher des publics plus sensibles au prix, sans renoncer à l’augmentation de ses revenus globaux.
Une pression croissante sur les abonnés
Si Netflix conserve une croissance solide, ces hausses successives ne sont pas sans effet sur les comportements des utilisateurs. Certains résilient, d’autres migrent vers des plateformes concurrentes, ou tentent de contourner les règles de partage de compte – désormais encadré et facturé. Malgré ces tensions, la plateforme a enregistré un record historique en 2024, avec 41 millions de nouveaux abonnés, notamment grâce au durcissement de sa politique de partage, qui a généré à lui seul 8,8 millions d’abonnements supplémentaires.
La stratégie tarifaire de Netflix crée un effet d’entraînement dans l’industrie. Disney+, Prime Video, Apple TV+ et d’autres plateformes ajustent à leur tour leurs prix et investissent massivement dans la production de contenus exclusifs. La publicité, longtemps marginale dans ce secteur, devient un levier central. À moyen terme, cette tendance pourrait favoriser des arbitrages plus sévères de la part des consommateurs entre les plateformes, voire un retour au piratage selon l’Arcom, qui observe une résurgence des pratiques illégales.