Hugging Face et Pollen Robotics misent sur les robots pilotés par l’IA

L’open source change d’échelle. La start-up Hugging Face, symbole d’une nouvelle génération d’acteurs de l’intelligence artificielle, a annoncé le rachat de la jeune pousse bordelaise Pollen Robotics. Un mariage franco-français à coloration américaine, qui en dit long sur les transformations en cours dans la tech, où les lignes entre logiciel et matériel, entre code et matière, s’estompent à vive allure.

A LIRE AUSSI
Mirokaï, le robot français déployé à l’hôpital

Ce n’est pas tant l’opération qui surprend – son montant, comme souvent dans ces cas-là, n’a pas été rendu public – que ce qu’elle révèle : la robotique humanoïde, longtemps cantonnée aux laboratoires et aux démonstrateurs technologiques, est en train de s’inviter dans le débat industriel. Et l’open source, autrefois simple philosophie marginale, devient stratégie centrale.

Une convergence programmée

Dans les faits, Hugging Face et Pollen Robotics s’étaient déjà rapprochées. Dès 2024, elles travaillaient ensemble sur Reachy 2, un robot humanoïde open source pensé comme une interface physique pour les grands modèles d’IA. Le fondateur de Pollen, Matthieu Lapeyre, ne cache pas sa satisfaction : « Tous les autres acheteurs potentiels auraient compromis notre liberté. » Autrement dit : ici, pas de verrou propriétaire ni de logique extractive. La filiale bordelaise garde son indépendance juridique et créative, tout en s’arrimant à un acteur à la surface financière autrement plus vaste.

C’est là toute l’astuce : Hugging Face élargit son périmètre d’action sans dénaturer son image. Après avoir bâti sa notoriété sur l’hébergement de modèles d’IA en open source – plus d’un demi-million à ce jour –, l’entreprise franco-américaine s’attaque à la robotique, avec la même recette : mutualiser les briques technologiques, standardiser les outils, et fédérer les communautés.

De la bibliothèque à l’usine

Le mouvement s’inscrit dans une trajectoire plus large. En mars 2024, Hugging Face recrutait Rémi Cadene, ancien de Tesla Robotics, pour lancer LeRobot, une bibliothèque open source dédiée à la robotique. Objectif : créer un socle commun de modèles, de jeux de données et de protocoles utilisables par les chercheurs et les industriels. En quelques mois, plus de 200 laboratoires à travers le monde y avaient déjà recours. Le message est clair : la robotique n’échappera pas au paradigme de l’open innovation.

Et ce n’est pas un hasard si les grands noms du secteur s’y intéressent de près. Nvidia, Microsoft, mais aussi Meta, multiplient les partenariats et les contributions. Le marché suit : d’après MarketsandMarkets, la robotique open source devrait dépasser les 8,6 milliards de dollars d’ici 2028. Avec, en prime, une croissance annuelle de 18 %. De quoi attiser bien des convoitises.

Un pari sur les humanoïdes

Dans ce contexte, Hugging Face fait plus que diversifier son portefeuille. Elle parie sur une rupture : celle des humanoïdes dopés à l’IA générative. Depuis un an, les annonces se bousculent. Tesla, Boston Dynamics, Figure AI… tous veulent placer leurs robots dans les entrepôts, les hôpitaux, voire les foyers. Le développement des modèles multimodaux, capables de comprendre langage, image, geste, change la donne. Ce qui relevait encore de la science-fiction devient progressivement un enjeu technologique et économique.

Mais la route reste semée d’embûches. Standardisation, sécurité, acceptabilité sociale : la confiance sera le nerf de la guerre. Une étude parue en mars dans Nature Robotics rappelle que les usages professionnels devraient précéder de plusieurs années les usages domestiques, plus sensibles et moins prévisibles. Le robot majordome n’est pas pour demain, mais il est déjà dans les plans.

Étiquettes

Partagez votre avis