Le fondateur de Tesla et SpaceX s’apprête à quitter la direction du Department of Government Efficiency, une entité expérimentale créée par Donald Trump pour « rationaliser l’État« . Son bilan controversé, les tensions politiques avec la Maison Blanche et les répercussions économiques de son départ soulèvent de nombreuses interrogations.
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L’annonce n’est pas encore confirmée, mais tout indique qu’Elon Musk s’apprête à quitter ses fonctions à la tête du Department of Government Efficiency (DOGE), une structure fédérale expérimentale mise en place par Donald Trump en janvier 2025. Chargé de réduire les dépenses publiques et de moderniser l’administration, Musk, dont le mandat initial court jusqu’en mai, n’a fait aucun commentaire public sur son avenir, mais plusieurs signaux convergent.
Au sein même du DOGE, certains collaborateurs évoquent un « retrait progressif » de son fondateur. La Maison Blanche, de son côté, refuse de commenter. Le marché, en revanche, a déjà réagi : l’action Tesla a bondi de 5 % après la publication des premières rumeurs, signe que les investisseurs espèrent un recentrage du milliardaire sur ses entreprises.
Le DOGE, outil de réforme taillé sur mesure pour Musk
Le DOGE est né d’une idée simple, celle de réduire massivement la taille et le coût de l’État fédéral. L’objectif affiché était ambitieux, voire irréaliste : 1 000 milliards de dollars d’économies en moins de six mois, soit près de 15 % du budget fédéral.
Pour mener cette mission, Donald Trump a choisi une figure hors norme : Elon Musk. À la tête du DOGE, ce dernier a appliqué des méthodes empruntées au monde des start-ups, recrutant sur X (anciennement Twitter) des profils jugés « à haut potentiel » pour mener une réforme éclair. Dès son arrivée, il a imposé une logique de performance extrême, exigeant que chaque fonctionnaire justifie sa présence, sous peine de « démission tacite ».
Un modèle de gestion radical aux résultats mitigés
En 130 jours, plus de 216 000 postes fédéraux ont été supprimés. Des agences entières ont été dissoutes, notamment dans les domaines de la régulation financière, de la santé publique et de l’aide au développement international. L’USAID a vu son budget divisé par trois, tandis que les programmes liés à la transition énergétique ont été gelés ou purement supprimés.
Parallèlement, Musk a lancé un vaste programme de modernisation technologique, visant à centraliser les données fiscales à travers une « méga API » gouvernementale. Le projet, salué pour son ambition, reste cependant embryonnaire, faute d’infrastructures suffisantes.
Sur les 1 000 milliards de dollars d’économies annoncés, seules 140 milliards auraient été réalisées à ce jour, selon un rapport interne du Bureau de la gestion et du budget. Une enquête indépendante a par ailleurs révélé que près de 2 milliards de dollars avaient été comptabilisés à tort, gonflant artificiellement les résultats.
Sur le plan social, les effets sont déjà visibles : hausse du chômage dans plusieurs États dépendants de l’emploi fédéral (notamment en Virginie-Occidentale), allongement des délais dans les services aériens ou sanitaires, et démantèlement partiel des dispositifs de réponse environnementale. Pour ses opposants, le DOGE a surtout détruit des outils publics sans en créer de nouveaux.
La méthode d’Elon Musk au sein du DOGE a été qualifiée par certains syndicats de « darwinisme administratif ». L’exigence de justification de poste, l’opacité de certaines décisions et la rapidité des licenciements ont suscité un fort ressentiment au sein des administrations concernées.
Plusieurs analystes estiment également que les chiffres de performance avancés par le DOGE ont été « stratégiquement embellis ». Enfin, des soupçons de conflits d’intérêts ont émergé : des décisions budgétaires prises par Musk pourraient indirectement bénéficier à ses entreprises, notamment dans le domaine spatial et énergétique.
Un divorce politique entre Trump et Musk
Si la nomination d’Elon Musk au sein de l’appareil fédéral avait été saluée comme un coup politique audacieux par Donald Trump, la relation entre les deux hommes semble aujourd’hui largement dégradée. Trois lignes de fracture ont particulièrement cristallisé les tensions :
Le commerce international : Musk s’est publiquement opposé aux droits de douane imposés par Trump sur les importations chinoises, plaidant au contraire pour une zone de libre-échange transatlantique.
L’immigration qualifiée : Il a critiqué les restrictions sur les visas H1-B, essentiels selon lui pour les entreprises technologiques.
La rigueur budgétaire : Plusieurs proches du président estiment que les coupes opérées par Musk ont été « idéologiques et imprudentes ».
Selon des sources proches de l’exécutif, Trump aurait envisagé de reprendre le contrôle direct du DOGE ou de le démanteler après le départ de Musk.
Un impact économique immédiat sur Tesla et SpaceX
Du côté des marchés, le départ annoncé de Musk est perçu comme une clarification bienvenue. Tesla, en difficulté depuis plusieurs mois (-13 % de ventes au premier trimestre), pourrait bénéficier du retour de son dirigeant à plein temps. SpaceX, dont plusieurs lancements majeurs sont attendus cette année, a également besoin d’un pilotage resserré, notamment face à la concurrence chinoise.
Elon Musk semble prêt à tourner la page politique. Selon ses proches, il compte se consacrer pleinement à ses projets industriels : relance de Tesla à l’international, accélération du développement de Grok-3 via xAI, et commercialisation du robot humanoïde Tesla Optimus, présenté comme une révolution industrielle.
Quant au DOGE, son avenir reste incertain. Expérimentation de gouvernement technocratique, ou dérive autoritaire d’une administration sous influence ? Le départ de Musk devrait ouvrir une nouvelle phase de débats sur la manière dont l’État peut — ou non — se réinventer.
Le DOGE en chiffres
- Date de création : janvier 2025
- Mandat d’Elon Musk : 130 jours (jusqu’en mai 2025)
- Objectif annoncé : 1 000 milliards $ d’économies
- Économies réalisées : 140 milliards $ (estimations internes)
- Postes supprimés : 216 000
- Contrats annulés : 7 279, soit 25 milliards $