La pollution plastique continue de s’aggraver à l’échelle mondiale, atteignant 400 millions de tonnes produites en 2024, dont 8 à 10 millions de tonnes finissent chaque année dans les océans. Mais jusqu’à récemment, les sources précises de cette pollution restaient mal identifiées en Europe. C’est ce vide que la mission scientifique « Microplastiques » de la Fondation Tara Océan, lancée en 2019, a tenté de combler.
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Pendant plusieurs mois, la goélette Tara a remonté les neuf plus grands fleuves européens (Seine, Loire, Rhône, Garonne, Tamise, Rhin, Elbe, Ebre, Tibre), en appliquant un protocole rigoureux à différents points de chaque cours d’eau. Résultat : la pollution est omniprésente et homogène dans tous les fleuves, avec environ trois grandes microparticules par mètre cube.
Des particules invisibles 1000 fois plus abondantes
Mais l’alerte principale ne vient pas de ces microplastiques visibles (0,5 à 5 mm), mais des microplastiques invisibles, mesurant jusqu’à 0,025 mm, analysés grâce à une technologie de pointe développée par la chercheuse Alexandra Ter Halle. Ces particules minuscules, 35 à 1000 fois plus présentes que les grandes, s’avèrent très préoccupantes pour la santé : elles pénètrent toute la colonne d’eau, sont ingérées par la faune aquatique, et remontent jusqu’à l’être humain via la chaîne alimentaire.
L’équipe du Tara a même découvert une bactérie pathogène encore active (Shewanella putrefaciens) sur certaines particules issues de la Loire, soulignant le risque sanitaire émergent.
Les granulés industriels, un quart de la pollution plastique
Un volet participatif de la mission a mobilisé plus de 12 000 élèves dans 350 classes à travers l’Europe, permettant une cartographie élargie de la pollution. Leur contribution a révélé un fait troublant : 25 % des grands microplastiques collectés ne proviennent pas de déchets, mais de granulés industriels perdus lors de la fabrication ou du transport – les microplastiques dits primaires.
Face à cette pollution systémique et diffuse, les scientifiques, dont le biologiste Jean-François Ghiglione (CNRS), appellent à des mesures drastiques. Ils misent sur le futur Traité mondial sur le plastique, en discussion à l’ONU, pour imposer une réduction significative de la production de plastique à la source.