Pour tenter de réduire les inégalités d’accès aux soins, l’Assemblée nationale a adopté une mesure inédite : encadrer l’installation des médecins. Objectif affiché : mieux répartir les professionnels de santé sur le territoire et lutter contre les déserts médicaux.
Le principe est désormais posé : tout médecin, qu’il soit libéral ou salarié, devra obtenir l’accord de l’Agence régionale de santé (ARS) pour ouvrir un cabinet. Cet accord sera automatiquement donné dans les zones en manque de médecins, mais conditionné ailleurs – par exemple, à la reprise d’un cabinet existant. Autrement dit, on n’ouvre plus où on veut, mais là où l’offre est jugée insuffisante.
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Médecins, patients, élus : une réforme qui divise
La mesure a été votée par une large majorité de députés (155 voix contre 85), avec un soutien transpartisan. Mais elle suscite de vives critiques. Étudiants, internes, syndicats et élus ruraux dénoncent un texte contre-productif. Selon eux, il risque de freiner l’installation de jeunes médecins, y compris dans des communes en difficulté qui ne sont pas officiellement classées comme « sous-dotées ». Ils redoutent un effet inverse à celui recherché : aggraver la désertification médicale.
Le gouvernement, lui, n’a pas soutenu la mesure. Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a parlé d’une situation « relativement insupportable », tout en appelant à coconstruire d’autres solutions avec les professionnels concernés. Il a promis des propositions d’ici la fin avril. De son côté, le Premier ministre s’est dit favorable à une forme de régulation, mais sur la base d’un plan plus large.
Ce vote n’est qu’une première étape. Le reste de la proposition de loi sera examiné début mai à l’Assemblée. Deux mesures suscitent déjà le débat : l’obligation de gardes pour les médecins, et la suppression des pénalités pour les patients qui consultent sans passer par leur médecin traitant. Le texte devra ensuite être discuté au Sénat.
Quel avenir pour la politique d’accès aux soins en France ?
Derrière ce débat, une tension ancienne : faut-il limiter la liberté d’installation des médecins pour garantir l’égalité d’accès aux soins ? La régulation territoriale existe déjà pour d’autres professions de santé, comme les infirmiers ou les kinésithérapeutes, sans avoir provoqué autant de résistance. Mais la médecine libérale conserve en France un statut particulier, entre service public et exercice privé.
Le vote de l’Assemblée marque un changement de cap. Il ouvre la voie à une régulation territoriale de la médecine, longtemps taboue. Mais l’avenir du texte reste incertain. Il faudra encore négocier, ajuster, convaincre. Et répondre à une question essentielle : comment garantir à tous un accès aux soins, sans décourager ceux qui les prodiguent ?