Peter Navarro, l’homme qui veut taxer le monde pour Donald Trump

Derrière Donald Trump, c'est l'économiste Peter Navarro qui impose sa doctrine commerciale : taxation des importations, rupture multilatérale, et relance industrielle à tout prix.

À 75 ans, Peter Navarro est devenu l’un des principaux architectes de la politique économique américaine. Ancien partisan du libre-échange dans les années 1990, ce professeur d’économie formé à Harvard a opéré un virage idéologique radical. Son obsession croissante pour la Chine, amorcée dans les années 2000, l’a conduit à remettre en cause les fondements mêmes du commerce mondial tel qu’il avait été conçu après 1945.

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Derrière la rhétorique ultra offensive de Donald Trump, c’est Peter Navarro qui structure l’offensive économique. Conseiller influent lors du premier mandat, il revient aujourd’hui au premier plan, déterminé à faire des droits de douane l’instrument central de la puissance américaine.

Une fiscalité douanière ciblée pour renforcer l’industrie

Dans les prochains jours, les États-Unis appliqueront un nouveau régime de droits de douane individualisés par pays. Un plancher de 10 % est prévu pour tous les partenaires commerciaux. L’Europe sera taxée à hauteur de 20 %. Les importations chinoises, déjà largement ciblées, atteindront un taux cumulé de 54 %.

Ce durcissement marque une rupture avec les approches multilatérales traditionnelles. Il s’agit désormais d’utiliser la fiscalité douanière comme un levier politique à part entière. Pour Navarro, les taxes à l’importation sont un outil de reconquête industrielle, mais aussi un moyen de pression géopolitique. La logique repose sur un principe simple : produire aux États-Unis, ou payer.

Sous l’impulsion directe de Navarro, les États-Unis redéfinissent leur rôle dans l’économie mondiale. Le tarif douanier, longtemps relégué à un rôle secondaire dans les relations commerciales, devient l’outil privilégié d’une stratégie de puissance. Cette politique ne vise pas uniquement la Chine, mais s’étend à d’autres pays jugés “déloyaux” : Mexique, Allemagne, Vietnam, voire certains alliés traditionnels.

Une vision bilatérale du commerce mondial en opposition au multilatéralisme

La doctrine Navarro repose sur une lecture strictement bilatérale du commerce mondial : chaque déficit est perçu comme une perte nette pour les États-Unis, et chaque taxe comme une réparation. Cette vision s’inscrit à contre-courant de l’approche multilatérale défendue depuis plusieurs décennies par les institutions internationales.

Peter Navarro affirme que cette politique pourrait générer jusqu’à 6 000 milliards de dollars de recettes supplémentaires sur dix ans et favoriser une relocalisation massive de la production. Mais la plupart des économistes contestent cette estimation, jugeant qu’elle sous-estime les coûts induits pour les consommateurs et les entreprises américaines.

Des secteurs clés comme l’automobile ou l’électronique font déjà face à des hausses de prix significatives. Les chaînes d’approvisionnement mondiales, mises en place depuis des décennies, ne peuvent être réorganisées du jour au lendemain. Et la réindustrialisation promise ne garantit pas un rebond de l’emploi, dans la mesure où les industries modernes sont fortement automatisées.

La Chine et l’Europe contre-attaquent

L’approche protectionniste défendue par Navarro suscite des réactions en chaîne. La Chine a déjà annoncé des mesures de rétorsion ciblées sur les produits agricoles et technologiques américains. L’Union européenne, de son côté, envisage des contre-mesures visant notamment les géants du numérique.

Cette dynamique rappelle les grandes guerres commerciales du XXe siècle. Elle menace la stabilité du système commercial mondial, affaibli depuis plusieurs années par les tensions géopolitiques, les crises sanitaires et les replis nationaux.

Un changement dans la doctrine commerciale américaine

La politique commerciale américaine opère un changement de doctrine. Depuis 1945, les États-Unis ont soutenu l’ouverture des échanges et la construction d’un ordre commercial multilatéral. L’approche portée par Peter Navarro marque une inflexion nette vers un protectionnisme assumé, fondé sur l’utilisation systématique des droits de douane comme levier stratégique.

Il ne s’agit plus d’ajustements ponctuels mais d’un repositionnement structurel, où les importations sont perçues comme des menaces potentielles et la taxation comme un outil central de souveraineté économique. Cette orientation bénéficie du soutien explicite de Donald Trump et s’impose désormais comme l’un des axes majeurs de sa politique économique.


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