Le grand mensonge du pouvoir d’achat

Malgré une hausse moyenne des salaires, les inégalités de pouvoir d’achat se creusent en 2025 entre cadres et précaires, hommes et femmes, grandes et petites entreprises.

À première vue, les chiffres rassurent. Selon l’Insee, les salaires de base ont augmenté en moyenne de 2,9 % dans le privé en 2024. Une hausse suffisante, cette fois, pour dépasser l’inflation, en net ralentissement. Résultat : un modeste gain de pouvoir d’achat (+0,9 %). Mais cette moyenne est un trompe-l’œil. Car derrière, les inégalités salariales se creusent.

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Les cadres montent, les autres rament

Le mécanisme est connu, presque mécanique : dans les périodes de tension économique, les augmentations collectives – souvent indexées sur des minimas – freinent, pendant que les augmentations individuelles pour les cadres continuent leur chemin.
Résultat : les écarts se creusent. En 2025, cette dynamique s’accentue. Les prévisions salariales montrent des hausses différenciées : jusqu’à 3,5 % dans certains services, à peine 2 % dans la banque. Mais surtout, les augmentations ciblées – réservées aux profils rares, qualifiés, ou bien placés – vont profiter aux mieux armés.

Hommes et femmes, toujours pas à égalité

Autre fracture, persistante : celle entre les sexes. En 2024, les femmes du secteur privé gagnent encore 22 % de moins que les hommes. Et même à poste équivalent, l’écart reste à 3,8 %. Une inégalité structurelle, bien installée, qui ne se résorbe que lentement, très lentement. Et que les crises successives n’ont pas aidée à corriger, bien au contraire.

Les disparités s’étendent aussi à la nature même des contrats. Dans les grandes entreprises, dotées de syndicats solides et d’accords collectifs bien négociés, les hausses restent soutenues. Ailleurs – dans les TPE, l’intérim, les temps partiels –, les hausses sont plus faibles, moins systématiques, parfois même absentes. La fracture devient sociale, presque institutionnelle : le statut protège, le précariat expose.

Certes, l’inflation ralentit. Mais ce ralentissement ne bénéficie pas également à tous. L’alimentation, l’énergie, les transports – les postes les plus sensibles pour les ménages modestes – restent à des niveaux élevés. Pour ces foyers, le pouvoir d’achat n’est pas une moyenne Insee, c’est une tension permanente, un arbitrage quotidien. Et cela se traduit dans les comportements : 61 % des Français envisagent de réduire les loisirs ou les vacances.

NAO 2025 : l’exercice d’équilibrisme

Les négociations salariales de 2025 s’annoncent tendues. Non seulement les entreprises prévoient des hausses plus modestes (+2,5 % en médiane, contre +3,5 % en 2024), mais une grande partie n’a pas encore arrêté son budget. L’incertitude domine, et les salariés, eux, sont de plus en plus nombreux à estimer que leurs efforts ne sont pas reconnus. Le terrain est fertile pour les mouvements sociaux – et déjà, les grèves dans l’industrie ou la grande distribution donnent le ton.

La France n’est pas seule dans cette configuration. La croissance prévue en 2025 (+0,9 %) est similaire à celle de ses voisins européens. Mais c’est la répartition des fruits de cette croissance qui pose question. Là où certaines économies cherchent à rééquilibrer, la France reste sur un modèle qui consolide les écarts existants.

L’économie française ne va pas mal. Elle va inégalement. Le rattrapage du pouvoir d’achat est une réalité pour certains, une illusion pour beaucoup. Les chiffres globaux rassurent, mais le quotidien d’une majorité de Français reste sous tension. Et à force de segmenter les hausses, d’individualiser les parcours, et de repousser les grands chantiers redistributifs, on creuse un autre déficit, moins visible mais plus dangereux : celui de la cohésion sociale.


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