Le Livret A, sanctuaire sacré de l’épargne hexagonale, débute l’année 2025 sur une note préoccupante. Avec seulement 350 millions d’euros de collecte nette en janvier – un creux inédit depuis presque une décennie – les Français semblent lui adresser un message clair : l’attrait du petit livret rouge s’émousse dangereusement. Faut-il tourner la page du Livret A au profit d’alternatives plus rentables ?
Livret A : un choc inédit depuis 2009
Les données publiées début février laissent peu de place au doute. En janvier, la collecte nette du Livret A plafonne à 350 millions d’euros seulement, loin, très loin, des performances habituelles observées à cette période de l’année. Un démarrage à contre-courant, alors que janvier est traditionnellement marqué par un regain d’épargne après les fêtes.
Pire encore : le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), cousin discret du Livret A, fait mieux avec 460 millions d’euros engrangés. À eux deux, ces produits emblématiques n’ont cumulé que 810 millions d’euros en janvier, le plus bas niveau depuis neuf ans.
Paradoxalement pourtant, jamais les encours totaux de ces livrets n’ont été aussi élevés. Fin janvier 2025, le Livret A comptait 442,9 milliards d’euros d’épargne accumulée, quand le LDDS en affichait 161 milliards. À 603,9 milliards d’euros cumulés, c’est un montant record qui se trouve désormais fragilisé par cette baisse notable d’attrait.
Ce mouvement coïncide avec une baisse substantielle du taux de rémunération du Livret A, passé au 1er février de 3 % à seulement 2,4 %. Un choc inédit depuis 2009, qui pèse lourd dans le ressenti des épargnants.
Livret A : pourquoi une telle désaffection ?
Plusieurs causes convergent pour expliquer ce recul spectaculaire :
- D’abord le taux, évidemment. La baisse du rendement, de 3 % à 2,4 %, fragilise un produit déjà peu rémunérateur. Si ce taux est théoriquement fixé par une formule mécanique indexée sur l’inflation et les taux interbancaires, dans les faits, il reste profondément politique – et donc soumis à d’éventuelles dérogations gouvernementales.
- Ensuite, l’inflation. Avec un coût de la vie en hausse persistante, les Français peinent à dégager un excédent à placer. Nombre d’entre eux ont d’ailleurs anticipé leur épargne dès la réception des primes de fin d’année en décembre, asséchant les ressources disponibles pour janvier.
- Enfin, une concurrence accrue. L’assurance-vie, notamment via les fonds euros, séduit de plus en plus. Malgré une fiscalité pouvant atteindre 30 %, certains contrats d’assurance-vie offrent des rémunérations supérieures à 3 %, poussant les épargnants à regarder ailleurs.
Le LEP, baromètre social de l’épargne
Dans l’ombre du Livret A, le Livret d’Épargne Populaire (LEP), dédié aux revenus modestes, affiche lui aussi une dynamique fragile. Son taux, pourtant généreux, a reculé début février de 4 % à 3,5 %. Résultat : une collecte nette timide, plafonnée à 110 millions d’euros en janvier, pour un encours total de 82,3 milliards. Alors que près de 19 millions de ménages y auraient droit, seuls 11,8 millions détenaient un LEP fin 2024. La Banque de France espère conquérir encore un million de ménages supplémentaires en 2025 – signe d’un défi social majeur.
Livret A : quelles alternatives pour les épargnants ?
Dans ce contexte troublé, le Livret A peine à conserver son hégémonie. Trois pistes alternatives émergent clairement :
- L’assurance-vie (fonds euros) : Malgré la fiscalité, elle propose souvent des taux supérieurs à ceux du Livret A.
- Le LDDS : Avec une rémunération alignée sur celle du Livret A, il peut néanmoins séduire par sa dimension éthique et responsable.
- D’autres horizons : placements boursiers ou immobiliers, certes moins liquides et plus risqués, mais potentiellement bien plus rémunérateurs sur le long terme.
Chaque option possède ses forces et ses faiblesses en matière de liquidité, sécurité et fiscalité. Le choix dépend étroitement de la sensibilité personnelle de l’épargnant face au risque.
Livret A : déclin passager ou structurel ?
Assurément, le Livret A traverse une passe délicate. Entre taux réduits et concurrence exacerbée, son attrait décline auprès d’une partie de la population. Mais attention à ne pas tirer de conclusions trop hâtives : ce produit reste encore profondément ancré dans les habitudes françaises, garanti par l’État, sans fiscalité, et parfaitement adapté à une épargne de précaution.
Face à l’incertitude grandissante, chaque épargnant devra repenser son rapport au Livret A : simple accident de parcours, ou signal plus profond d’un basculement vers une épargne plus active ? L’année 2025 pourrait bien être celle de toutes les recompositions.