L’essor du Bitcoin propulse à nouveau les cryptomonnaies sous le feu des projecteurs. En six mois, les cours se sont envolés, la capitalisation du secteur tutoie désormais les 4 000 milliards de dollars, et les levées de fonds battent des records. Comme souvent, le phénomène dépasse largement le seul cadre financier : la réélection de Donald Trump, premier président ouvertement pro-crypto de l’histoire des États-Unis, n’a fait qu’amplifier la dynamique.
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Dans cet emballement général, la France tire son épingle du jeu. Certes, l’écosystème hexagonal reste loin derrière son homologue américain, mais il s’affirme comme l’un des plus dynamiques d’Europe. Un vivier d’ingénieurs de haut niveau, une législation avant-gardiste avec le statut PSAN, un intérêt croissant des fonds de capital-risque, des dispositifs de financement publics et privés : l’Hexagone ne manque pas d’atouts. Résultat, le pays a vu émerger deux licornes de premier plan – Ledger et Sorare –, tandis qu’une myriade d’acteurs se positionnent sur des niches en pleine expansion.
Les champions tricolores
Sorare et Ledger illustrent cette vitalité. Le premier, spécialisé dans les cartes de foot numériques, compte désormais plus de 3 millions d’utilisateurs dans 180 pays. Le second, leader mondial des portefeuilles physiques de cryptos, sécurise près de 20 % des actifs numériques en circulation. Dans les coulisses, Bpifrance n’est pas étrangère à ces succès : la banque publique a soutenu Ledger dès ses débuts et a lancé, avec Cathay Innovation, un fonds de 100 millions d’euros pour financer les pépites du secteur. L’une des dernières bénéficiaires ? Flowdesk, spécialiste de la liquidité crypto, qui a levé 50 millions d’euros en 2024.
Derrière ces mastodontes, d’autres acteurs français s’imposent progressivement. Coinhouse et Paymium, pionniers du secteur, ont survécu aux turbulences des dernières années. Meria (ex-Just Mining) revendique 150 millions d’euros d’actifs sous gestion. Des start-up comme Stackinsat, Bitstack ou encore Deblock – une néo-banque fondée par d’anciens cadres de Revolut et Ledger – cherchent à démocratiser l’investissement crypto.
Une diversité d’acteurs
L’essor des cryptos ne se limite pas aux plateformes d’investissement. La France se distingue dans la finance décentralisée (Angle, Morpho, Mangrove), l’analyse des transactions (Bubblemaps), ou encore la tokenisation immobilière (KryptoStone, Fraktion). Le secteur attire aussi des investisseurs spécialisés (Montaigne Patrimoine, Melanion Capital) et des incubateurs comme Cube3 et PyratzLabs. Même les cabinets d’avocats s’y mettent : ORWL, Waltio ou Hashtag Avocats surfent sur l’essor des cryptos en proposant des services dédiés.
Une régulation en équilibre instable
Mais ce tableau prometteur cache une fragilité de fond. Le secteur crypto est intrinsèquement volatile. L’histoire l’a montré : après chaque euphorie vient la correction. Les start-up françaises doivent donc être prêtes à encaisser de longues périodes de vaches maigres.
Autre incertitude : la régulation. La France a été pionnière avec le statut PSAN, mais l’arrivée du cadre européen MiCA rebat les cartes. Certains entrepreneurs redoutent un excès de contraintes qui freinerait l’innovation. Pendant ce temps, les États-Unis changent radicalement de cap. Avec Trump, Washington s’affiche comme le nouvel eldorado des cryptos. De quoi attirer talents et capitaux, au risque de reléguer l’Europe au second plan.
L’avenir du secteur se jouera dans cet équilibre fragile entre innovation et régulation. Pour la France, le défi est clair : rester dans la course sans se laisser distancer par les mastodontes américains et asiatiques.