Certes, on reste loin des niveaux records de 2014, mais la tendance est là, comme le démontre le dernier Baromètre mensuel de l’Inclusion Financière publié par la Banque de France. Une remontée inquiétante qui frappe en priorité les plus fragiles, ceux pour qui la moindre hausse des prix ou baisse de revenu suffit à faire chavirer le budget.
Le surendettement, un baromètre social sous tension
Le surendettement est un indicateur avancé des tensions économiques et sociales. Quand il grimpe, c’est souvent le signe que la mécanique du pouvoir d’achat se grippe. Cette fois-ci, ce sont les dettes de consommation qui tirent la hausse : elles représentent 43 % des encours recensés, une proportion en augmentation. Preuve que l’inflation a mis sous pression les budgets les plus serrés.
Pourtant, la Banque de France tempère : sur le long terme, la tendance reste baissière. En 2019, on comptait encore 6 % de dossiers en plus. Un effet des règles plus strictes sur le crédit à la consommation et de la décrue du chômage ces dernières années. Mais pour les ménages concernés, ces chiffres sont abstraits. Eux vivent le quotidien des fins de mois impossibles.
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Portrait-robot d’un surendetté
Le surendettement a un visage. Souvent, c’est celui d’une personne seule (52 % des cas), d’une femme (55 %), d’un locataire (88 %). Un demandeur d’emploi (25 %) ou un ouvrier/ employé (53 %). Un foyer où six personnes sur dix vivent sous le seuil de pauvreté. Où le reste à vivre est trop mince pour absorber un accident de la vie.
L’endettement médian s’élève à 17 447 euros, hors dettes immobilières. Une somme qui peut sembler modeste, mais qui devient insurmontable quand elle se heurte à des revenus sous le Smic dans 68 % des cas.
Surendettement à La Réunion, révélateur d’un profond malaise
Sur l’île de La Réunion, la situation est encore plus tendue. En un an, le nombre de dossiers a bondi de 28 %. Un record. L’IEDOM pointe un climat économique dégradé, entre inflation persistante et coût du crédit prohibitif. Résultat : 1 709 foyers ont dû déposer un dossier en 2024, contre 1 331 un an plus tôt.
Mais ici comme ailleurs, le surendettement n’est pas forcément synonyme de mauvaise gestion. Il reflète d’abord une difficulté croissante à assumer les charges courantes : loyer, factures, alimentation. Des dépenses incontournables qui rongent les marges de manœuvre et transforment la moindre dette en fardeau.
Pourquoi ces ménages sombrent-ils ?
Les raisons sont multiples. Mais trois motifs reviennent avec insistance :
- Un mur financier : 41 % des ménages expliquent avoir déposé un dossier après une aggravation brutale de leur situation.
- La pression des créanciers : 29 % des dossiers sont motivés par des relances insistantes ou des menaces d’huissiers.
- Le conseil de proches : 17 % des surendettés ont franchi le pas après avoir été incités par leur entourage.
Mais surtout, les ménages attendent souvent trop longtemps avant d’agir. Plus d’un tiers (36 %) patientent plus de deux ans avant de déposer un dossier, espérant une amélioration qui ne vient pas. Honte, peur de perdre leurs moyens de paiement, crainte du regard des autres… Autant de freins qui retardent la prise en charge et aggravent la situation.
Quel avenir ?
Un espoir : début 2025, la hausse du surendettement ralentit. En janvier, le nombre de nouveaux dossiers progresse de 4,6 %, contre 11 % en décembre. Parallèlement, les inscriptions au fichier des incidents de crédit diminuent légèrement.
Et la suite ? Avec une inflation qui devrait revenir à 1,5 % et des taux d’intérêt en baisse sous l’effet des décisions de la BCE, l’étau pourrait se desserrer. Mais pour que la tendance s’inverse durablement, il faudra aller plus loin.
L’éducation financière, la régulation du crédit à la consommation et un accompagnement renforcé des ménages en difficulté restent les meilleurs remparts contre cette spirale. Faute de quoi, le surendettement continuera de jouer son rôle de sismographe social. Et ce qu’il nous dit aujourd’hui n’a rien de rassurant.