Une intervention attendue, mais surtout redoutée, tant les équilibres politiques sont fragiles et les attentes démesurées. Nommé il y a à peine un mois, après la chute brutale du gouvernement Barnier, Bayrou sait que ce grand oral pourrait bien sceller son avenir à Matignon.
Un Premier ministre sous pression
L’exercice est délicat. Bayrou doit convaincre des parlementaires profondément divisés, alors même que son capital de confiance dans l’opinion publique reste faible. Entre une gauche qui exige des concessions fortes et une droite réfractaire à tout compromis, le Premier ministre marche sur une corde raide. Les derniers sondages montrent une nette défiance : seuls 25 % des Français estiment qu’il a les épaules pour diriger le gouvernement. Pourtant, l’homme politique béarnais, habitué aux défis, semble avoir choisi de miser sur la clarté et la détermination.
Une réforme des retraites sous les projecteurs
Au cœur des tensions, la réforme des retraites de 2023. L’enjeu est immense : les socialistes, indispensables pour éviter une motion de censure, réclament la suspension immédiate du texte. « Si Bayrou ne prononce pas le mot ‘suspension’, nous censurerons », a prévenu Olivier Faure, premier secrétaire du PS. Face à cette demande, la droite reste inflexible, certains de ses ténors menaçant même de quitter le gouvernement si cette option était retenue. « La suspension, c’est l’ouverture d’une boîte de Pandore budgétaire », estime Laurent Wauquiez.
Dans ce climat explosif, les négociations ont battu leur plein jusqu’à tard hier soir. Selon des proches du dossier, aucun accord définitif n’aurait encore été trouvé ce matin, ce qui alimente l’incertitude quant à l’issue de ce rendez-vous parlementaire.
Des arbitrages budgétaires tout aussi sensibles
Le budget, autre grand sujet de crispation, figure également au menu du discours. Confronté à un cadre budgétaire hérité du gouvernement Barnier, François Bayrou doit jongler avec des contraintes financières drastiques : un déficit à ramener à 5,4 % du PIB d’ici 2025 et l’impossibilité d’introduire de nouvelles mesures fiscales ambitieuses. La droite, fermement opposée à toute hausse d’impôts, campe sur ses positions. À gauche, les socialistes et les écologistes réclament des engagements clairs en matière de justice fiscale et de soutien aux services publics.
Un discours stratégique pour éviter la censure
Tout se jouera donc cet après-midi. Le Premier ministre compte sur ce discours pour rallier une majorité relative et désamorcer la motion de censure déjà déposée par La France insoumise. Selon des observateurs, Bayrou pourrait opter pour une approche « tout terrain » : annoncer des concessions limitées sur les retraites pour amadouer la gauche, tout en rassurant la droite sur le maintien d’une ligne budgétaire stricte.
L’objectif est simple, mais audacieux : obtenir l’abstention des socialistes et des écologistes, éviter une fracture au sein de sa coalition, et convaincre les députés de laisser une chance à son gouvernement.
Un après-midi sous haute tension
Alors que tous les regards se tournent vers l’Assemblée nationale, les discussions en coulisses se poursuivent. Le discours de François Bayrou, préparé dans la plus grande confidentialité, pourrait bien contenir des surprises. Mais la marge de manœuvre est mince, et l’avenir de son gouvernement ne tient qu’à un fil. Si la censure venait à être votée, ce serait un coup dur non seulement pour le Premier ministre, mais aussi pour Emmanuel Macron, déjà fragilisé par la chute de Barnier.
En attendant, c’est l’heure des derniers ajustements. À Matignon comme dans les groupes parlementaires, chacun retient son souffle avant un après-midi qui pourrait marquer un tournant majeur dans ce quinquennat.