Les fabricants et distributeurs incriminés se sont entendus pour restreindre la concurrence et maximiser leurs marges. À l’aide de « listes noires », certains produits étaient interdits de commercialisation sur Internet, tandis que des « prix conseillés » servaient de prétexte pour imposer des tarifs minimums.
Ces pratiques, qualifiées de « particulièrement graves » par l’Autorité, incluaient des mesures de surveillance étroite. Les fabricants suivaient de près les prix pratiqués par leurs partenaires, n’hésitant pas à exiger des augmentations ou à menacer de couper les livraisons pour les distributeurs récalcitrants. « Si tu veux recevoir le produit, tu sais ce qu’il y a à faire », illustre un exemple cité dans la décision.
Des sanctions historiques et des entreprises divisées
Parmi les sanctions prononcées, SEB écope de l’amende la plus lourde, à hauteur de 189,5 millions d’euros, suivi par Darty (109 millions) et Boulanger (84,35 millions). Whirlpool devra quant à elle verser 44,5 millions d’euros pour ses agissements, ainsi que 27,75 millions supplémentaires pour les pratiques d’Indesit, qu’elle a racheté en 2014.
Alors que dix des entreprises sanctionnées ont accepté les griefs, permettant de bénéficier d’une réduction de leur amende, SEB et Boulanger ont contesté vigoureusement les accusations. Le fabricant SEB a annoncé son intention de faire appel, rejetant toute accusation de pratiques anticoncurrentielles. De son côté, Boulanger a dénoncé une décision « injuste » et « scandaleuse ».
Un impact direct sur les consommateurs
Les conséquences pour les consommateurs sont claires : une hausse artificielle des prix dans un marché qui aurait dû bénéficier de la concurrence des distributeurs en ligne. Selon l’Autorité, ces ententes ont empêché les acheteurs de profiter de prix plus bas, normalement favorisés par la réduction des coûts de distribution liée au commerce numérique.
En parallèle, les distributeurs pratiquant des prix attractifs ont été pénalisés, voire évincés du marché. Environ 95 % des plateformes de vente en ligne indépendantes auraient disparu ou été absorbées par des acteurs traditionnels comme Darty et Boulanger.
Une stratégie concertée pour contrer les ventes en ligne
Face à la montée en puissance des sites d’e-commerce à prix cassés, les acteurs traditionnels ont cherché à préserver leur position dominante. Pour cela, les fabricants, en collaboration avec Darty et Boulanger, ont établi des systèmes de distribution sélective, exigeant la possession de magasins physiques et limitant l’accès des plateformes purement numériques à certains produits.
En instaurant des prix minimums, les distributeurs traditionnels comme Darty et Boulanger ont également évité que les consommateurs ne se tournent vers des alternatives en ligne plus compétitives. Ils n’hésitaient pas à signaler les écarts de prix aux fabricants et à demander des compensations pour maintenir leurs marges.
Une décision qui marque le secteur
Ce scandale, qui fait écho à une première décision en 2018 pour des ententes similaires, rappelle l’importance de la vigilance dans un secteur largement bouleversé par le numérique. L’Autorité a par ailleurs ordonné aux entreprises concernées de publier un résumé de la décision dans les journaux Le Monde et Les Échos, assurant ainsi une visibilité publique à ces pratiques condamnables.
Avec cette sanction historique, l’Autorité de la concurrence envoie un message fort : les pratiques anticoncurrentielles visant à limiter la concurrence et à pénaliser les consommateurs ne seront pas tolérées. Pour autant, les recours annoncés par SEB et Boulanger pourraient repousser le clap de fin de cette affaire retentissante.