Le plan de Michel Barnier pour sauver l’industrie française

Le Premier ministre Michel Barnier présente un plan d’urgence de "100 jours" pour répondre à la crise industrielle qui frappe la France.

Ce plan, centré sur l’acier, l’automobile et la chimie, affiche des ambitions claires : redynamiser l’économie nationale tout en s’appuyant sur des mesures européennes pour rétablir la compétitivité des secteurs en difficulté. Mais ce pari soulève des questions sur sa capacité à répondre aux défis environnementaux et sociaux de notre temps.

Avec des annonces ciblées, le gouvernement entend soutenir des secteurs stratégiques fortement impactés par la concurrence internationale et les mutations technologiques. Parmi les mesures phares, la révision des quotas d’importation pour l’acier et la création d’un malus carbone visent à freiner les importations peu respectueuses des normes environnementales. Parallèlement, le secteur automobile bénéficie d’une suppression des sanctions liées au règlement Café pour les émissions, ainsi que d’un fonds européen financé par des sanctions anti-dumping.

Quid des engagements environnementaux de la France ?

Si le gouvernement met en avant le leasing social pour la voiture électrique et un investissement d’un milliard d’euros d’ici 2025, des critiques émergent sur le manque de vision écologique globale. L’exemption de la contrainte « zéro artificialisation nette » pour les nouveaux projets industriels, par exemple, pourrait ralentir les progrès en matière de préservation des sols. Ces ajustements, censés stimuler la relance industrielle, risquent de fragiliser les engagements environnementaux de la France.

Par ailleurs, la simplification administrative, bien que séduisante pour attirer les investisseurs, suscite des interrogations. Réduire les délais d’instruction et supprimer certaines obligations de concertation publique pourraient diminuer la transparence et limiter la prise en compte des impacts environnementaux.

L’Europe, allié stratégique ou variable d’ajustement ?

Le volet européen du plan joue un rôle crucial dans cette stratégie. Des mécanismes comme le malus carbone sur l’acier importé ou la protection de molécules stratégiques dans la chimie montrent une volonté de renforcer l’autonomie industrielle tout en tenant tête à des concurrents comme la Chine. Mais ces mesures, encore à l’état de projet, dépendent largement de l’adhésion des partenaires européens, ce qui pourrait ralentir leur mise en œuvre.

Dans ce contexte, l’approche française semble osciller entre la défense des intérêts économiques nationaux et un alignement avec les objectifs climatiques européens. La compatibilité de ces deux objectifs reste incertaine.

Un avenir à construire collectivement

Les réactions aux annonces de Michel Barnier montrent une fracture entre le monde industriel et les défenseurs de l’environnement. Si le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, vante une approche pragmatique et tournée vers l’investissement, des voix, comme celle de la CGT, soulignent l’absence de garanties sociales et environnementales solides. Sophie Binet, secrétaire générale du syndicat, a rappelé que la survie de l’industrie ne pourra se faire sans une transformation en profondeur.

Comment ne pas souligner que, malgré l’urgence et l’ambition affichées, l’avenir de ce plan reste suspendu à des incertitudes politiques majeures. Le gouvernement Barnier, déjà affaibli, doit faire face à une motion de censure imminente. Or, si le gouvernement venait à tomber, ce calendrier ambitieux pourrait être balayé, laissant les mesures annoncées dans les limbes. Cette fragilité interroge : peut-on bâtir une stratégie industrielle durable sur des fondations politiques aussi instables ?

Etienne Delattes


Partagez votre avis