Trump : un pari risqué pour le commerce américain ?

En voulant réduire le déficit commercial des États-Unis, Donald Trump risque d’obtenir l’effet inverse. Une analyse des mécanismes économiques derrière ses politiques protectionnistes et fiscales montre que ces mesures pourraient paradoxalement accroître la dépendance américaine aux importations, creusant davantage le déficit commercial.

Les ambitions de Donald Trump, axées sur une politique protectionniste et une réduction du déficit commercial des États-Unis, reposent principalement sur des augmentations de droits de douane et des réductions d’impôts significatives. Pourtant, selon l’économiste Sylvain Bersinger de la société de conseil Asterès, ces stratégies risquent d’aboutir à un résultat contre-productif, en creusant encore davantage le déficit commercial américain.

Les droits de douane : une arme à double tranchant

L’une des mesures phares de Trump repose sur l’augmentation des droits de douane pour réduire les importations et stimuler la production nationale. L’idée est simple : en rendant les produits importés plus chers, les consommateurs et les entreprises américaines seraient incités à se tourner vers des alternatives locales. Cependant, cette mesure s’accompagne d’effets secondaires économiques complexes.

L’application de droits de douane pousse, en effet, le dollar à s’apprécier pour deux raisons principales. D’une part, la réduction des importations diminue la demande américaine en devises étrangères, favorisant une hausse relative du dollar par rapport aux autres monnaies. D’autre part, l’augmentation des prix des produits importés pourrait engendrer une inflation, incitant la Réserve fédérale à relever ses taux d’intérêt, ce qui rendrait le dollar plus attractif pour les investisseurs internationaux. Cette appréciation du dollar annulerait l’avantage concurrentiel des produits américains et, paradoxalement, pénaliserait les exportations, rendant ainsi le déficit commercial difficile à combler. Une dynamique similaire s’était déjà observée en 2018, lorsque les premiers droits de douane imposés par Trump avaient été contrebalancés par une hausse de la valeur du dollar, notamment face au yuan chinois​.

Les limites théoriques des droits de douane sur le déficit commercial

Pour Sylvain Bersinger, l’effet limité des droits de douane sur le déficit commercial est également une question de structure économique, comme le montre l’équation fondamentale de la balance commerciale : S−I=X−MS – I = X – MS−I=X−M. Dans cette équation, le solde commercial (X−MX – MX−M) dépend du rapport entre épargne et investissement domestique (S−IS – IS−I). Les droits de douane, n’ayant aucun impact direct sur les niveaux d’épargne ou d’investissement, ne peuvent donc à eux seuls modifier durablement le solde commercial du pays. Ils pourraient réduire temporairement les importations, mais en l’absence de réformes structurelles, cette baisse risque d’être compensée par une diminution des exportations due à la hausse du dollar. Le déficit commercial persisterait donc, voire s’aggraverait.

La hausse du déficit public, moteur du creusement du déficit commercial

Outre les droits de douane, la politique fiscale de Donald Trump, marquée par des réductions d’impôts significatives, entraîne une hausse du déficit public. Selon les prévisions d’Asterès, le programme de Trump pourrait alourdir la dette publique de près de 8 000 milliards de dollars sur dix ans. Ce déficit public, combiné aux mesures de relance, augmenterait la demande intérieure et, par conséquent, les importations, alimentant le déficit commercial américain. Ce phénomène, connu sous le nom de « théorie des déficits jumeaux », stipule qu’une augmentation du déficit public tend à creuser le déficit commercial. En stimulant la demande intérieure sans réduire la dépendance aux produits étrangers, la politique fiscale de Trump amplifierait ainsi les importations au détriment des exportations​.

L’impact sur l’épargne nationale et la compétitivité américaine

L’accroissement du déficit public provoque une diminution de l’épargne nationale. Dans l’équation du solde commercial, cette baisse d’épargne signifie une demande accrue d’importations pour répondre à la demande domestique excédentaire. De plus, l’augmentation de la demande stimule le marché de l’emploi, ce qui entraîne une hausse des salaires et réduit la compétitivité des produits américains. Cette combinaison de facteurs pourrait créer un cercle vicieux, où la hausse du déficit public mène à une augmentation continue du déficit commercial.

Nicolas Martin


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