Chasse aux voitures dans Paris : une ZTL pour transformer l’hypercentre

La mairie de Paris met en œuvre une transformation majeure de son hypercentre dès ce lundi. Avec l’instauration d’une zone à trafic limité (ZTL) couvrant les quatre premiers arrondissements, une nouvelle ère s’annonce pour la circulation urbaine.

Fini, les trajets improvisés d’un bout à l’autre du cœur historique. Place à une logique de déplacements encadrés, avec des règles précises. Cette mesure, qui frappe fort et sans détour, est censée libérer l’espace public de l’emprise automobile pour redonner les rues aux piétons, aux cyclistes, et aux usagers d’un Paris plus vert.

David Belliard, l’adjoint écologiste en charge des Transports, se veut rassurant : « Cette ZTL ne signifie pas une interdiction totale des véhicules dans le centre. » Tout le contraire, même : les résidents, les commerçants, les services de secours, les taxis, et les véhicules en mission auront accès à cette zone.

En revanche, ceux qui souhaitent simplement couper par ces rues historiques pour gagner du temps devront revoir leur trajet. Après une première phase dite « pédagogique », des contrôles et amendes viendront appuyer le dispositif pour assurer un respect strict des nouvelles règles.

La mairie anticipe déjà des résultats concrets : une réduction de la circulation de 30 % sur l’avenue de l’Opéra, et de 15 % sur le boulevard de Sébastopol, d’après ses propres études d’impact. En matière de pollution, les projections sont également ambitieuses : la ville table sur une baisse de 15 % des concentrations de dioxyde d’azote sur les artères principales. Le pari de la municipalité ? Recréer une dynamique de quartier en limitant le bruit et en allégeant le flux routier. Cette initiative s’inscrit dans une continuité : la rue de Rivoli, artère emblématique de la capitale, avait déjà été partiellement fermée à la circulation en 2020, au profit d’une circulation douce.

Les tensions avec la préfecture

Mais instaurer une zone sans voitures dans Paris, c’est aussi avancer en terrain miné. Le périmètre final de cette ZTL a fait l’objet de tractations serrées avec la préfecture de police, qui cosigne finalement l’arrêté publié cette semaine. Initialement, l’objectif était d’étendre cette restriction à des zones emblématiques de la rive gauche et aux îles de la Cité et Saint-Louis. Mais sous la pression des discussions, ces secteurs en ont été exclus. Cette révision a permis d’assouplir la mesure tout en assurant une première étape significative.

Pour la mairie, cette limitation répond avant tout à un engagement de campagne : redonner l’espace public à ceux qui le vivent au quotidien. « La voiture a colonisé nos rues depuis des décennies, il est temps de rétablir un équilibre pour la qualité de vie des Parisiens, » martèle la maire. De grandes villes européennes, telles que Madrid, Milan ou Rome, ont déjà pris des mesures similaires avec des résultats notables en termes de réduction de pollution et de revitalisation des centres historiques.

Zones d’ombre

La ZTL soulève aussi de nombreuses interrogations, notamment de la part des secteurs du transport et de la logistique. Récemment, le Gatmarif, un groupement des entreprises de transport d’Île-de-France, a interpellé la mairie pour obtenir des éclaircissements sur les conditions d’accès aux zones restreintes. Ce secteur crucial pour le quotidien des Parisiens craint des retards et des contraintes opérationnelles supplémentaires. Les acteurs économiques surveillent de près l’impact potentiel de cette limitation, d’autant plus qu’un durcissement de la ZFE (zone à faibles émissions) est également prévu pour 2025. Dès cette date, les véhicules de catégorie Crit’Air 3 seront interdits dans un vaste périmètre autour de la capitale, resserrant encore l’étau autour de la circulation automobile.

Mesures d’accompagnement…

Pour apaiser les critiques, la mairie prévoit une carte de résident et un dispositif d’auto-déclaration en ligne, qui devraient simplifier la gestion des autorisations et des exemptions. Cependant, la réduction de la vitesse à 50 km/h sur le périphérique depuis le 1er octobre a également suscité la grogne des automobilistes.

Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France, n’a pas hésité à proposer de reprendre la gestion du périphérique pour garantir « une fluidité et une gestion plus adaptée » de ce réseau critique.

En dépit de ces tensions, la mairie semble déterminée à avancer sur sa feuille de route, assumant les désaccords et les obstacles. Cette zone à trafic limité marquera-t-elle un tournant dans la mobilité parisienne, ou les ajustements nécessaires limiteront-ils son impact ? Une chose est certaine : pour les automobilistes comme pour les résidents, le visage de Paris continue de changer.

Julien Decourt


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