Si le ministère des Finances a confirmé l’obligation de recourir à la facturation dématérialisée à partir de septembre 2026, l’abandon du projet de plateforme publique gratuite résonne comme un coup dur. Finies les promesses de facilitation et d’accessibilité : les PME, artisans et microentrepreneurs devront passer par des plateformes privées, payantes, créant ainsi une nouvelle dépendance.
Une réforme qui se veut équitable, mais…
Pour les petites entreprises, cette réforme aurait pu être l’occasion d’alléger les coûts et de gagner en productivité. Mais dans un contexte économique tendu, le rêve s’effrite pour laisser place à un modèle de facturation où les marges de millions de PME risquent d’être réduites. « Ce n’était pas ce qu’on nous avait promis », s’indigne Gérard Orsini, de la CPME. Au lieu de nous offrir un accès libre, on nous pousse vers des portails privés dont les tarifs vont, bien sûr, évoluer. » Une réforme qui se veut équitable, mais qui alourdit les charges des plus petits.
Avec la mise en place de ces plateformes privées, Bercy assure un marché juteux à une poignée d’entreprises technologiques labellisées – Accenture, Quadient, Generix, entre autres – qui se partagent désormais un gâteau de plusieurs millions d’utilisateurs. Pour ces entreprises, cette réforme sonne comme une aubaine, tandis que pour les petits patrons, elle résonne comme une injustice imposée par le haut, une autre couche de complexité dans un paysage déjà chargé.
Passage obligé
Certes, la réforme permettrait de réduire la fraude à la TVA, estimée à 20 milliards d’euros annuels. Mais au lieu de garantir un accès public et accessible, l’État a préféré s’en remettre au marché, espérant, sans réelle garantie, que des solutions gratuites émergeront comme par magie. « C’est bien beau de promettre la gratuité, mais la gratuité, ça n’existe pas », tranche Gérard Orsini.
Alors que le projet avance, certains petits entrepreneurs envisagent de retarder leur passage à cette facturation imposée, cherchant à éviter ce nouvel engrenage. Pour d’autres, comme Antoine Saint-Pierre, directeur des Tissages de Charlieu, l’investissement est devenu incontournable. « C’est compliqué, mais nos équipes doivent suivre. Sans cela, nous risquons d’être marginalisés. » Un passage obligé, mais amer pour une réforme qui, loin de libérer, lie les petites entreprises à des frais constants.
En arrière-plan, la promesse initiale de simplification semble bien loin, et pour de nombreux dirigeants, le choc est brutal : ce qui devait être une transformation libératrice devient un outil de contrôle et de profit pour les plateformes privées, laissées libres de fixer leurs conditions, sous le regard de l’État.
Laura Picard