Le wokisme et le politiquement correct à l’assaut de l’entreprise


Le monde corporate nous a habitués depuis longtemps « au pas de vague » et à un « politiquement correct » omniprésent. On connaît la parole aseptisée que nous offrent régulièrement les rapports annuels. Les ayatollahs des fameux éléments de langage veillent à l’intégrité de la pensée unique qui coule dans le même moule la plupart des entreprises et leurs dirigeants, oubliant au passage un principe fondamental en communication : exister, c’est être unique.


N’oublions pas en effet que « plus on est dans le moule, plus on ressemble à une tarte ».
Poussés par les firmes américaines et leurs sponsors financiers, le wokisme et la cancel culture pénètrent de plus en plus le monde économique européen. Sous couvert de bons sentiments, cette tendance fracture en profondeur la culture d’entreprise en promouvant des débats sociétaux souvent clivants, au point de désolidariser la majorité des salariés. La religion, les orientations sexuelles, les questions de genre deviennent progressivement des mantras dits progressistes, au point d’oublier la vraie valeur ajoutée naturelle d’une entreprise : s’épanouir dans une culture d’entreprise inclusive qui unit toutes les différences au nom d’une mission partagée.

Le droit absolu à la discrimination culturelle de l’entreprise, qui consiste à assumer de ne pas être faite pour tout le monde au nom de principes culturels et de valeurs, est en passe d’être bafoué par la grande confusion égalitariste du moment. L’entreprise responsable ne rejette personne, elle est naturellement inclusive, mais elle sait expliquer pourquoi, si on n’adhère pas à sa culture, il ne peut y avoir de collaboration fertile. Au-delà des compétences techniques, le corpus vivant qu’est l’entreprise relève d’une alchimie culturelle qui cultive la fierté d’être ensemble et de porter le même maillot, quelles que soient ses croyances, ses différences…

En se soumettant au wokisme caricatural, les entreprises, et en premier lieu les DRH, se fourvoient en pensant contribuer à un monde meilleur, alors même qu’ils contribuent à mettre les gens dans des cases et à ruiner leur marque employeur, sous réserve bien évidemment qu’ils l’aient un jour travaillée sérieusement. S’aligner sur les injonctions de minorités ne sert en rien le dessein collectif, bien au contraire, il le déstructure.

À l’instar de la société civile, qui laisse piétiner les fondamentaux de la laïcité à la française en acceptant que la parole publique soit abaissée plus bas que terre par des énergumènes extrémistes nourrissant « l’archipélisation » du pays (annoncée dès 2019 par Jérôme Fourquet), l’entreprise, notamment les grandes, est en passe de devenir insipide aux yeux de la plupart des salariés, en particulier la fameuse génération Z. Cette dérive encourage et cultive une montée inédite de l’individualisme et de l’égocentrisme en entreprise, au point où le management devient un sacerdoce qui génère de moins en moins de vocation.

« L’enjeu de la responsabilité sociétale de l’entreprise est aujourd’hui un enjeu civilisationnel pour l’Europe. Face au risque d’être définitivement noyée par le capitalisme anglo-saxon, l’Europe doit faire preuve d’unité pour défendre des engagements sociétaux pour un capitalisme responsable. Les pressions exercées sont telles que la culture européenne, humaniste et garante de valeurs, court un risque de destruction pure et simple », avertit Jean-Dominique Senard, Président du Conseil d’administration de Renault Group, en ouverture de sa préface de mon dernier livre Pour un leadership spirituel assumé – Éloge de l’authenticité (Eyrolles).
Cette réflexion interpelle sur la place et le sens du travail dans la vraie vie. Au nom de l’authenticité, et non de la tartufferie wok, il y a urgence, n’en déplaise à celles et ceux qui ne veulent pas regarder cette réalité en face et pensent être « dans le sens du vent » en allant dans le sens du troupeau, à travailler en profondeur ce qui fait concrètement humanité dans leurs organisations, ce qui fait sens dans l’union de femmes et d’hommes forcément différents.

Si l’entreprise veut reconquérir le cœur de ses salariés, elle doit veiller à la reconnaissance et au respect de chacun, oser travailler en profondeur son exclusivité culturelle, fixer des droits et devoirs qui qualifient son vivre ensemble, et être vigilante à laisser à l’extérieur les enjeux liés à la stricte sphère privée.
Les salariés, quel que soit le secteur d’activité, ambitionnent de partager une vision et des objectifs clairs et honnêtes, avec des règles connues et reconnues de tous. Si ce n’est pas le cas, repli sur soi et individualisme sont de mise, et aucune communication à la mode n’y changera quoi que ce soit.

L’entreprise humaniste, ce n’est pas une forme de militantisme, mais tout simplement un mode de vie engagé face aux fractures ambiantes du wokisme et de la cancel culture. L’entreprise humaniste est un choix à assumer pour lequel le courage a autant d’importance que les compétences. Elle est l’un des ultimes remparts pour permettre à la société en général de sortir de l’ornière qui fait le lit des extrêmes politiques.

Didier Pitelet
Président Fondateur d’Henoch Consulting


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