Vous vous apprêtez à acheter une voiture neuve ou d’occasion ? Le meilleur conseil à suivre est de prendre votre temps avant de signer le contrat d’achat, et de demander au concessionnaire toutes les informations concernant les frais additionnels qui peuvent parfois faire gonfler la facture finale de 3%, ce qui peut vite représenter des centaines d’euros. Parmi les options proposées généralement par les vendeurs professionnels, le gravage des vitres est souvent présenté comme un service incontournable en termes de sécurité. Pourtant, son efficacité ne vaut ni le coup, ni le coût.
Des limites techniques évidentes
Mais en quoi consiste le gravage des vitres au juste ? Il s’agit d’un service proposé par les concessionnaires consistant à graver le numéro de châssis ou le numéro de la plaque d’immatriculation sur chacune des vitres latérales, sur le parebrise et sur la lunette arrière du véhicule. Ce numéro est alors enregistré dans la base de données du fichier national Argos, consultable par les forces de l’ordre et par les compagnies d’assurance. Le concept semble intelligent à première vue. Oui, mais…
Si Argos se targue de permettre d’identifier 11400 véhicules volés chaque année, ce système ne dissuade pas les voleurs de passer à l’acte. L’époque du voleur isolé est d’ailleurs presque révolue, car la majorité des vols de voitures en France est destinée à l’export, principalement vers le Maghreb, l’Afrique subsaharienne et l’Europe de l’Est. Sur les six derniers mois, les pouvoirs publics ont réussi à neutraliser plusieurs réseaux, comme en septembre dans le Nord-Pas-de-Calais, mais aussi au port du Havre où l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) a saisi plusieurs containers, démantelant ainsi un gros trafic destiné à l’Afrique. Plus récemment, début février, les forces de l’ordre ont également interpellé quatre individus, soupçonnés de trafic de voitures volées, dans le Loiret. L’ampleur globale de ce fléau est encore inconnue, mais une chose est sûre : les braqueurs de voitures ne sont plus de petits amateurs.
Les chiffres les plus récents montrent en effet que le vol et le recel de voitures sont devenus un vrai business : en 2023, environ 70000 voitures ont été volées – soit une moyenne de 200 par jour – partout en France, avec des pics dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis et le Val-d’Oise en région parisienne, et les Bouches-du-Rhône en PACA. Des chiffres – tristement records – puisque le nombre de vols de voiture a augmenté de 11% par rapport à 2022. Si le gravage était efficace et dissuasif, cela se saurait.
De plus, le gravage ne permet pas de tracer et de retrouver un véhicule volé avant qu’il ne dépasse les frontières hexagonales, comme le permettent les dispositifs GPS les plus puissants du marché, capables de localiser une voiture hors réseau 5G même si cette dernière est stockée en sous-sol par exemple. La seule vocation du gravage – comme des puces RFID – est donc l’identification. Un avantage assez mince par rapport à d’autres systèmes.
Un service non-obligatoire et coûteux
Les sites des assureurs ou les comparateurs d’assurances – Le Lynx, Les Furets, Direct Assurance, etc. – en parlent tous, alertant les futurs acquéreurs d’une voiture. Sur le site de Direct Assurance par exemple, une information essentielle annonce la couleur : « La gravure des vitres de votre voiture n’est pas obligatoire. Ce service est souvent proposé sur les véhicules neufs directement par le concessionnaire. Hélas, le forfait proposé peut avoir un coût élevé. N’hésitez pas à faire jouer la concurrence ou simplement refuser cette option payante qui n’a rien d’obligatoire. » Donc si un vendeur semble faire un peu le forcing sur cette option lors de l’établissement du contrat, refuser est dans votre bon droit. Sans avoir à vous justifier.
Un autre argument – et non des moindres – vient ternir le tableau : le coût du gravage. Selon les sources en ligne, le gravage initial est généralement assuré par le vendeur pour un coût d’une centaine d’euros (entre 50 et 150 selon les professionnels). Mais cette première facture en cache d’autres. L’inscription à la base de données Argos est payante, moyennant un abonnement très onéreux de six ans (une centaine d’euros par an). Malheureusement, les acheteurs ont rarement conscience de l’engrenage dans lequel ils mettent le doigt : « Si le service peut intéresser certains clients, prévient le magazine Challenge, le problème vient de la manière dont il est vendu. On ne compte plus le nombre de cas où le concessionnaire a facturé d’office au client le gravage des vitres, prétextant que c’est obligatoire auprès des assurances. C’est faux : chaque compagnie a des exigences différentes. La mauvaise surprise arrive quand le client reçoit au bout d’un an un appel de cotisation pour un abonnement mensuel. En effet, le gravage des vitres correspond à l’enregistrement au fichier Argos, valable pendant six ans. Mais les opérateurs doublent désormais cette prestation, qui est leur cœur de métier historique, de tout un panel de services, dont les clients ignorent parfois totalement l’existence. »
Les sites web dédiés au monde de l’automobile arrivent tous à cette même conclusion : pour se prémunir efficacement des vols – si votre véhicule dort sur la voie publique par exemple –, mieux vaut coupler deux dispositifs. Un premier physique, comme les barres bloquant le volant qui ont un vrai pouvoir dissuasif car synonymes de temps perdu et de risque pour les voleurs ; le second électronique, comme les GPS capables de localiser votre voiture, même en sous-sol ou par-delà des frontières. Car les revendeurs de voitures volées n’ont cure du gravage des vitres made in France, un dispositif désormais désuet au vu des nouvelles technologies et des réseaux des trafiquants de plus en plus nombreux et aguerris.
Charles de Blondin