Macron a-t-il bradé les intérêts industriels de la France ?

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Depuis plusieurs années, les fleurons industriels français passent progressivement sous pavillon étranger. Alstom, Technip, Alcatel, Danone. L’État a-t-il failli ? Et Emmanuel Macron, en poste au cœur des moments décisifs, a-t-il aggravé cette perte de contrôle stratégique ?

L’affaire Alstom, un point de bascule

C’est en 2014 que l’alerte devient centrale. Alstom négocie discrètement la vente de sa branche énergie à General Electric. L’État n’est pas consulté. Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie, monte au front. Il accuse le PDG de dissimulation, réclame l’installation d’un détecteur de mensonge au ministère. Il fait élargir en urgence le décret encadrant les investissements étrangers, pour couvrir davantage de secteurs sensibles.

Rien n’y fait. Emmanuel Macron, qui succède à Montebourg, valide la vente. Le groupe perd son autonomie dans le nucléaire. L’opération suscite des soupçons d’ingérence américaine. Elle entraîne des milliers de suppressions d’emplois. En 2017, une tentative de rapprochement avec Siemens échoue. Mais l’impression de déclassement reste.

Un contexte de libéralisation assumée

La séquence Alstom ne tombe pas de nulle part. Elle s’inscrit dans un long mouvement d’ouverture. En 1966, une loi fondatrice libéralise les relations financières entre la France et l’étranger. Objectif : attirer les capitaux. Le contrôle reste théorique, peu appliqué. Pendant près de quarante ans, l’État n’intervient pas dans les rachats étrangers, même dans des secteurs jugés sensibles.

Dès le début des années 2000, des signaux apparaissent. En 2003, Gemplus, leader de la carte à puce, est racheté par un groupe américain proche de la CIA. L’affaire fait scandale. Péchiney, Alcatel-Lucent, Technip suivent. Danone est visé par une OPA hostile présumée de Pepsi. En 2005, le gouvernement de Dominique de Villepin réagit avec un décret : onze secteurs stratégiques sont placés sous surveillance. Mais cette tentative reste largement théorique. Les blocages sont rares, les opérations passent.

Après Alstom, un durcissement progressif

En 2018, une commission parlementaire révèle qu’aucune opération stratégique n’a été bloquée jusqu’ici. Le gouvernement, sous pression, renforce l’arsenal réglementaire. De nouveaux secteurs sont ajoutés à la liste : spatial, cybersécurité, stockage de données, intelligence artificielle, semi-conducteurs. Le filtrage repose sur trois critères : origine étrangère de l’investisseur, nature de la prise de contrôle, activité sensible de l’entreprise ciblée.

En 2023, près de 400 dossiers sont traités. Plus de la moitié sont autorisés sous conditions. Mais le maintien de l’emploi, pourtant central, n’est toujours pas garanti juridiquement.

Des failles persistantes dans la défense industrielle

Malgré ce durcissement, plusieurs opérations échappent toujours aux radars. JD.com entre au capital de Fnac-Darty sous le seuil déclenchant le contrôle. La DGSI s’inquiète de rachats « sous seuils », notamment dans les deeptechs. Ces start-ups, en quête de financement, sont vulnérables. Et faute de fonds d’investissement souverains en Europe, les entreprises se tournent souvent vers des capitaux non-européens. Ce qui réduit la capacité de l’État à intervenir.

Face à la montée des tensions économiques mondiales, la France a durci ses mécanismes. Mais leur efficacité reste relative. La complexité des montages financiers limite l’impact des contrôles. L’absence d’une doctrine industrielle européenne cohérente pèse sur les marges de manœuvre. L’exécutif réagit, mais reste en position défensive. Au cœur de ces choix, Emmanuel Macron, artisan d’une stratégie où l’ouverture reste la norme, même au prix d’un recul industriel.



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