Souveraineté militaire : l’Europe trahie par ses propres membres ?

Tandis que Paris prône la souveraineté militaire, ses voisins achètent massivement américain. Une contradiction qui fragilise l’Europe de la défense.

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Les mots sont grands, les actes bien plus petits. Depuis une décennie, les capitales européennes répètent en boucle leur volonté de bâtir une défense autonome. Mais à mesure que les discours s’envolent, les contrats, eux, atterrissent sur les bureaux de Lockheed Martin. Le F-35, fleuron américain du combat aérien furtif, s’impose comme le standard européen. Ironie brutale : cette souveraineté tant vantée est méthodiquement sapée non par Washington, mais par les décisions souveraines des États membres eux-mêmes.

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Un standard américain adopté sans débat stratégique

Le contraste est devenu caricatural. À chaque sommet européen, l’« autonomie stratégique » est célébrée comme une urgence, presque une religion nouvelle. Mais les faits sont têtus. Le F-35 s’installe partout. Non pas malgré cette ambition de souveraineté, mais dans son dos, presque à visage découvert. Ce qui devait renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne se disloque, décision après décision, achat après achat.

À l’Est, la crainte russe a bon dos. La Roumanie a signé en novembre 2024 pour 32 appareils, 6,1 milliards d’euros partis direction Texas. La République tchèque a opté pour 24 F-35, tournant ainsi le dos à une solution européenne. En Grèce, 20 appareils sont commandés, 20 autres en option. L’armée de l’air grecque volera bientôt en double : Rafale pour l’image, F-35 pour l’avenir.

Paris isolée, Berlin et Bruxelles font cavalier seul

Mais le choc vient du cœur même du projet européen. L’Allemagne, longtemps hésitante, a confirmé en 2025 l’achat de 35 avions américains pour remplir ses missions de partage nucléaire dans le cadre de l’OTAN. Un geste lourd de symbole. Berlin prépare en plus un second lot de 15 appareils. Dans la foulée, la Belgique a enfoncé le clou. Tout en affichant son ambition d’intégrer le programme SCAF, Bruxelles annonce l’achat de 11 F-35 supplémentaires. Pour Éric Trappier, patron de Dassault Aviation, la duplicité est totale. Il parle d’un partenaire qui « se moque des autres ». Le mot est sec, mais difficile à contredire.

Une architecture logicielle sous contrôle américain

Ce n’est pas qu’une question de transferts financiers. Ce sont les clés de la maison qu’on remet à Washington. Le F-35, c’est un avion, mais surtout un système : chaque vol, chaque mission, chaque pièce est connectée, analysée, centralisée. Le tout, via des infrastructures américaines. Aujourd’hui ALIS, demain ODIN. Le cloud militaire remplace la chaîne logistique. En théorie, une avancée. En pratique, une dépendance.

Les pays clients n’ont pas accès au code source. Aucune autonomie sur les mises à jour critiques. Washington conserve une visibilité constante sur les flottes alliées. Et potentiellement, un bouton rouge invisible : la possibilité de couper à distance, si besoin, pour des raisons politiques ou diplomatiques. Le fantasme du « kill switch » n’est plus tout à fait une fiction.

La facture monte, les capacités restent incomplètes

Même les pays non-membres de l’UE s’en mordent les doigts. La Suisse a découvert, trois ans après avoir signé, que le prix final du F-35 était bien au-delà du devis initial : entre +650 millions et +1,3 milliard de francs suisses. Le débat a viré à la polémique nationale, sur fond de menaces de référendum. Une leçon : une fois engagé, le client est captif. Et la facture peut gonfler à loisir.

L’Espagne a tenté l’inverse. En août 2025, Madrid a dit non. Pas de F-35. Une rareté en Europe. Le gouvernement a décidé d’investir massivement dans l’Eurofighter et le SCAF. Une posture politique claire. Mais ce choix a un prix. La marine espagnole, qui dépend toujours des Harrier à décollage vertical, se retrouve sans solution de remplacement viable. Aucun appareil européen n’offre aujourd’hui cette capacité. Résultat : autonomie affirmée sur le papier, mais incapacité à maintenir certaines fonctions clés.

Le F-35 s’est imposé sans grande bataille. Les Rafale se vendent bien à l’export mais ils ne pèsent pas face à la lame de fond américaine. L’OTAN vole désormais en majorité sous standard F-35. Et avec lui, l’interopérabilité européenne s’écrit dans un langage que seuls les États-Unis maîtrisent. Les 40 prochaines années sont verrouillées. Pas besoin de conspirations. La souveraineté européenne s’efface à coups de décisions nationales parfaitement libres. L’Europe n’a pas été trahie de l’extérieur. Elle s’est trahie elle-même.



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3 commentaires sur « Souveraineté militaire : l’Europe trahie par ses propres membres ? »

  1. L’Europe les esclaves dés yankees. Incompétences, incapables et le pire les eurocrates sont des idiots qui sont sous perfs d’héroïne distribuées à grandes doses par qui??? Les yankees….. donc normal que tout va mal. Voir vonderleyen agir de la sorte = droguees donc incensee et situation ubuesque

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  2. C’est vraiment dommage que des pays Faisant partie de L’Europe achètent étranger mais le jour où leurs appareils seront bloqués ils s’en mordront les doigts Car ils seront stoppés dans leurs élans La France a bien raison de rester indépendante

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