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C’est une chose rare en France : un film qui divise à ce point. Le deuxième volet de Kaamelott, sorti le 22 octobre, n’a pas seulement déçu ou séduit — il a tranché dans le public. Un fossé net s’est creusé entre ceux qui continuent de vouer un culte à Alexandre Astier et ceux qui, cette fois, ont décroché. L’objet de cette fracture ? Une œuvre dense, bavarde, inachevée, mais portée par une ambition peu commune dans le paysage cinématographique français.
Des chiffres qui racontent un essoufflement
Le film partait pourtant avec un sérieux capital : 19,6 millions d’euros de budget, 38 pour l’ensemble des deux parties tournées en parallèle, et un public fidèle depuis vingt ans. Le démarrage laisse entrevoir une promesse : 162 792 entrées en première semaine, dont plus de la moitié en avant-premières, le plaçant juste derrière God Save the Tuche. Mais l’élan ne dure pas.
En sept semaines, Kaamelott – Deuxième volet atteint péniblement 1 021 334 entrées, loin des 2,6 millions du premier épisode. Dans un marché fragilisé par la chute de la fréquentation en salle, le résultat interroge. Pour un tel niveau d’investissement, c’est trop peu. Dans les cercles professionnels, le mot « échec » commence à circuler.
Une critique au vitriol
La presse spécialisée ne fait pas de cadeaux. Télérama parle d’un film « verbeux », Le Figaro d’un « navet », Le HuffPost le qualifie de « long, poussif et confus ». Sur Allociné, la moyenne critique plafonne à 2,3 sur 5, un score historiquement bas pour une production française de cette envergure. Libération note l’échec de la transposition cinématographique, La Voix du Nord voit une suite de sketches sans liant, Le Point dénonce un récit éclaté, des ellipses ratées et un abus de dialogues. Rien ne semble épargné : ni la construction dramatique, ni le rythme, ni la mise en scène.
Le virage amorcé par Alexandre Astier depuis le premier film se confirme ici : le comique cède la place à une dramaturgie sombre, parfois pesante. La durée – 2h19 – pèse d’autant plus qu’il ne se passe presque rien. Arthur, figure centrale, reste figé à Carmélide, muré dans une torpeur dont il ne sort que sous la pression divine. CloneWeb parle d’« inertie dramatique ». Et le film ne se termine pas : il s’arrête. La suite est annoncée pour novembre 2026, mais le public n’en tire aucun soulagement. Ce découpage en deux parties accentue la frustration, renforcée par une absence remarquée : celle de Perceval. Évincé pour des raisons artistiques, le personnage adoré des fans est relégué à une mention textuelle. Pour beaucoup, c’est une trahison.
Une fidélité qui tient bon
Pourtant, tout n’est pas à jeter. Un noyau de fidèles continue de défendre l’entreprise. Sur Allociné, certains commentaires atteignent la note maximale. Le film séduit par ses décors islandais, ses paysages maltais, ses costumes soignés, quelques trouvailles visuelles comme le fantôme du roi Ban, et une poignée de scènes dialoguées au cordeau – notamment celle, très attendue, entre Arthur et le Jurisconsulte joué par Christian Clavier. Le Point parle d’un film « visuellement plus ambitieux », CloneWeb d’un « sympathique divertissement ». Mais le mot fait tache dans une saga qui visait l’épique.
Plus qu’un simple clivage entre critiques et fans, Kaamelott – Deuxième volet révèle un écart de fond. D’un côté, les amateurs de la virtuosité dialoguée d’Astier, prêts à accepter les lenteurs, les ellipses et les absences. De l’autre, ceux qui attendaient enfin un grand film d’aventure à la française, et qui n’ont trouvé qu’un long épisode de transition.


