Le futur avion de combat européen au bord du crash

Le programme SCAF, censé unir Paris, Berlin et Madrid, s’enlise dans des rivalités industrielles et des doctrines opposées.

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Le SCAF devait incarner l’Europe de la défense. Il expose surtout ses fractures. Le programme de l’avion de combat du futur, lancé en 2017 par Paris et Berlin, s’enlise dans les rivalités industrielles et les divergences stratégiques. À mesure que la pression géopolitique monte, l’Europe militaire peine à parler d’une seule voix.

L’agression russe contre l’Ukraine a réveillé le vieux rêve d’une défense européenne plus autonome. Trop dépendante des États-Unis, l’Union européenne a tenté de reprendre en main son destin sécuritaire. Le retour de Donald Trump, hostile à l’OTAN, a renforcé cette volonté. La France et l’Allemagne se sont alors posées en locomotive, avec le projet SCAF comme symbole.

Un rêve commun, des intérêts divergents

Le Système de combat aérien du futur – SCAF – devait remplacer le Rafale et l’Eurofighter. Un avion de nouvelle génération (NGF), des drones, un cloud de combat : le tout pour 100 milliards d’euros. La France, l’Allemagne et l’Espagne pilotent le projet. Dassault mène la conception de l’avion, en coopération avec Airbus. La Belgique a rejoint le groupe en tant qu’observateur, malgré son achat de F-35 américains.

Le partenariat est bancal. Dassault veut garder la main sur l’avion. Airbus réclame un partage plus équilibré. Derrière les débats techniques, c’est une rivalité de fond. Berlin craint de financer un programme français. Paris refuse de céder un savoir-faire jugé stratégique. L’arrivée de la Belgique, perçue comme inféodée à Washington, a envenimé les tensions.

Les frictions ne s’arrêtent pas à l’industrie. Paris veut un appareil nucléaire, capable de décoller d’un porte-avions. Berlin s’en moque : l’OTAN d’abord, la mer ensuite. Le calendrier français, aligné sur le successeur du Charles de Gaulle prévu en 2038, montre l’importance accordée à l’autonomie stratégique. L’Allemagne mise sur l’intégration dans les systèmes alliés. Incompatible.

Les fantômes des années 1980

L’histoire bégaie. Dans les années 1980, des désaccords similaires avaient conduit à la séparation : Rafale pour les Français, Eurofighter pour les autres. Le risque d’un double projet revient sur la table. Un scénario coûteux, et un cauchemar pour l’interopérabilité militaire.
Le chaos du SCAF n’est pas isolé. Le programme MGCS, censé remplacer les chars Leclerc et Leopard, est lui aussi plombé par les différends. Là encore, des visions concurrentes, des drones à intégrer, un horizon flou : 2040 au mieux. D’ici là, chacun avance ses pions. Et s’éloigne du projet commun.



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1 commentaires sur « Le futur avion de combat européen au bord du crash »

  1. Faites un peu mieux votre travail s’il vous plaît, l’Allemagne à changer le postulat de départ qui était que Dassault était maître d’œuvre de l’appareil et était donc seul décideur des meilleurs intervenants qu’ils soient Français ou Allemands ou Espagnols dans la chaîne de fabrication de celui-ci.
    Or comme sur le programme MGCS l’Allemagne a imposée de nouveaux interlocuteurs ayant voix au chapitre dans ces projets (Airbus Espagne filiale d’Airbus DS de droit Allemand pour le SCAF et Rheinmetall de droit Allemand avec de l’actionnariat Américain pour le MGCS) mettant ainsi les acteurs Français en position minoritaire lors des décisions stratégiques de pilotage de ces projets.
    Sachant que le principe du partage à l’Allemande étant de mettre toutes les technologies au pot commun cela revient à donner l’ensemble du savoir faire de nos industriels aux entreprises Allemandes.
    Et cela est inacceptable, d’où les positions fermes de Dassault et KNDS France.
    L’échec du programme Eurofighter est probant : seuls les pays ayant contribués au programme l’ont acheté, et encore chacun ayant ses propres caractéristiques annulant ainsi les bénéfices d’une coopération. Il coûte plus cher à produire et à opérer que le Rafale sans assumer l’entièreté des missions de celui-ci.
    Tous les programmes de coopération Franco-allemands sont des échecs retentissant du fait d’une Allemagne souhaitant avant tout à assoir sa domination industrielle.

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