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En Iran, la fixation du salaire minimum pour l’année 1405 – qui débutera en mars 2026 – ravive les tensions sociales. Les discussions sont en cours au sein du Conseil suprême du Travail, l’organe tripartite chargé de trancher. Et l’écart entre les revendications des représentants des travailleurs et les lignes du gouvernement s’est creusé comme rarement.
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Au cœur des débats : le montant que devra toucher un salarié du privé à temps plein à partir de ce printemps. Selon des organisations syndicales, le salaire minimum devrait atteindre environ 600 millions de rials par mois pour 1405 – soit environ 375 euros au taux du marché libre. Une revendication jugée minimale pour couvrir les dépenses de base d’un foyer. Certaines organisations de travailleurs et de retraités avaient également appelé en 2024 à fixer les salaires entre 400 et 450 millions de rials pour 2025, soit entre 250 et 281 euros.
En face, les autorités temporisent. Le salaire minimum actuel s’élève à 103,9 millions de rials – environ 65 euros – montant qui peut atteindre approximativement 150 millions de rials (environ 94 euros) avec les indemnités (allocations de consommation, de logement et autres prestations sociales). Le saut demandé est sans précédent.
Inflation explosive, réalités intenables
Mais le contexte l’est tout autant. Le pays affronte une inflation endémique. Selon plusieurs économistes iraniens, l’inflation annuelle pourrait dépasser 60% d’ici à mars 2026 si le gouvernement ne parvient pas à stabiliser la situation. Des scénarios plus modérés, notamment du Fonds monétaire international, tablent plutôt sur une inflation entre 40 et 50% pour 2026. Sous l’effet cumulé des sanctions, de la dépréciation monétaire et des déséquilibres budgétaires, le pouvoir d’achat des ménages s’est effondré.
Le coût estimé de la vie pour une famille de travailleurs oscille selon les calculs. Un responsable parlementaire iranien a déclaré en novembre 2025 qu’un foyer en situation de location devrait disposer d’au moins 45 millions de tomans mensuels – soit 450 millions de rials (environ 281 euros) – pour rester au-dessus du seuil de pauvreté. Les organisations syndicales, de leur côté, évoquent un « panier de vie » beaucoup plus élevé, frôlant les 580 millions de rials par mois (environ 362 euros), voire davantage selon certaines estimations. Soit, dans les deux cas, largement supérieur au salaire minimum officiel.
Pauvreté de masse et seuils dépassés
La pauvreté progresse mécaniquement. Selon une note publiée en octobre par le Centre de recherche du Parlement iranien, 36% des Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté officiel. D’autres analyses suggèrent un taux bien supérieur, certains observateurs parlant de 40% ou davantage en tenant compte de la récente dévaluation monétaire et de l’inflation.
Même les salariés de l’État, relativement protégés, sont touchés. En décembre, le gouvernement a annoncé une hausse de 20% des salaires publics et des pensions dans le projet de budget 2026. Une mesure jugée largement insuffisante par les syndicats et les associations de fonctionnaires : plus de 48 000 fonctionnaires ont signé une pétition réclamant que les augmentations salariales soient indexées sur l’inflation réelle, qui dépasse 50% selon leurs calculs. Selon les syndicats, une augmentation de 20% appliquée au minimum actuel ne produirait qu’un gain nominal d’environ 187 millions de rials (environ 117 euros), bien loin de la hausse requise pour suivre le coût de la vie.
Conséquences sanitaires et colère sociale
À l’approche de l’année 1405, la grogne monte. La dégradation rapide des conditions de vie se traduit déjà dans les indicateurs de santé publique. Selon le ministère de la Santé, environ 120 000 Iraniens meurent chaque année de causes liées à la malnutrition – notamment par carence en acides gras oméga-3, insuffisance de consommation de fruits et légumes, ou manque de céréales complètes. Ces décès sont liés à une « insécurité alimentaire croissante » due à l’incapacité des ménages à se procurer les aliments essentiels. Entre 50 et 70% de la population iranienne souffrent également de carences en vitamine D, fragilisant les systèmes immunitaires et aggravant les maladies osseuses.


