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C’est un marché énorme et une demande ancienne : l’acné touche 15 millions de personnes en France, et jusqu’à 95 % des jeunes entre 11 et 30 ans dans le monde. Face aux limites des traitements actuels, l’idée d’un vaccin avance enfin. Deux approches se détachent : Sanofi mise sur l’ARN messager, tandis que des chercheurs américains ciblent une enzyme bactérienne clé.
Sanofi, une stratégie vaccinale longue mais déterminée
Depuis avril 2024, Sanofi mène un essai de phase I/II sur un vaccin à ARN messager. Objectif : tester la sécurité, la tolérance et l’efficacité du produit sur 400 adultes de 18 à 45 ans, atteints d’acné modérée à sévère. Jusqu’à trois injections sont administrées à des dosages variables, avec un groupe placebo pour comparaison.
Le vaccin cible certaines souches de Cutibacterium acnes responsables des formes inflammatoires, en épargnant le reste du microbiome cutané. Cette avancée repose sur le rachat en décembre 2021 de la biotech autrichienne Origimm Biotechnology. Celle-ci développait un premier vaccin à base de protéines recombinantes, ORI-001, en essai préliminaire depuis le troisième trimestre 2021.
Sanofi a ensuite converti cette piste en version ARN messager, avec un essai prévu initialement pour 2023 mais finalement lancé en 2024. Pour accélérer ses programmes, le groupe a ouvert en avril 2025 une nouvelle unité de R&D à Marcy-l’Étoile, entièrement dédiée aux vaccins, dont celui contre l’acné.
Une cible bactérienne précise dans les labos californiens
À l’université de Californie à San Diego, l’équipe du professeur George Y. Liu suit une autre piste. Leurs travaux publiés en décembre 2023 ont identifié deux variants d’une enzyme clé : l’hyaluronidase. Le variant HylA est produit uniquement par les souches pathogènes ; HylB, lui, est associé aux peaux saines.
HylA fragmente l’acide hyaluronique en gros morceaux, ce qui déclenche une inflammation via les récepteurs TLR2. HylB génère, à l’inverse, des fragments anti-inflammatoires. Les chercheurs ont donc conçu un vaccin peptidique ciblant spécifiquement HylA.
Dans un modèle murin, ce vaccin a réduit de 50 % la sévérité de l’acné par rapport aux souris non traitées. L’inflammation, mesurée par l’interleukine-1β, a également diminué. Prochaine étape : un essai clinique sur l’humain.
Un impact psychologique encore sous-estimé
L’acné est souvent banalisée, alors qu’elle génère un lourd fardeau mental. Elle représente la première cause de consultation dermatologique en France. 80 % des adolescents en sont atteints, et 15 % souffrent de formes sévères. Chez les adultes, 12 à 20 % des femmes et 8 à 10 % des hommes sont concernés.
Les conséquences psychologiques sont bien documentées : baisse de l’estime de soi, troubles anxieux, humeur dépressive. Chez les adolescents, le ressenti peut atteindre des niveaux comparables à ceux observés dans des maladies chroniques graves.
Les traitements actuels agissent, mais au prix d’effets secondaires souvent difficiles à gérer. Les rétinoïdes assèchent la peau et augmentent la sensibilité au soleil. Les antibiotiques posent un problème croissant de résistance bactérienne. L’isotrétinoïne, traitement de référence pour les formes sévères, reste efficace mais très contraignant : tératogène, il nécessite une surveillance rapprochée et provoque des effets secondaires marqués.
Un vaccin bien toléré pourrait jouer un rôle d’appoint : pas une solution miracle, mais une réponse complémentaire à l’image d’un antibiotique. C’est ce que souligne la professeure Marie-Aleth Richard, cheffe du service dermatologie à l’hôpital de La Timone à Marseille.
Quel horizon pour une mise sur le marché ?
Le calendrier reste long. Il faut compter 8 à 12 ans pour le développement d’un vaccin entre les phases cliniques, les validations et la mise en production. L’essai mené par Sanofi doit s’achever en 2027, mais d’autres étapes suivront avant une autorisation de mise sur le marché.
Beaucoup d’inconnues subsistent : nécessité de rappels, efficacité sur les formes légères, potentiel préventif. Ces réponses pourraient émerger d’ici la fin de la décennie. En attendant, d’autres traitements continuent d’émerger. En août 2025, l’Europe a validé l’utilisation du Winlevi, un traitement topique à base de clascotérone, déjà disponible aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il agit en réduisant la sensibilité des cellules cutanées aux hormones stimulant le sébum. Un outil de plus, mais la demande d’options nouvelles reste entière.


