Trump veut enfermer les SDF dans des camps

Aux États-Unis, la politique sociale envers les sans-abri prend un tournant sécuritaire. Donald Trump encourage la création de camps fermés où les sans-abri seront conduits de force.

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C’est une proposition qu’on aurait pu croire réservée aux pires dictatures. Elle est aujourd’hui au cœur d’un projet pilote soutenu par Donald Trump : regrouper les sans-abri dans des centres fermés, à l’écart des villes, avec traitement obligatoire, suivi comportemental, et contrôle policier. Ce que l’Utah inaugure n’a plus grand-chose à voir avec une politique sociale.

Salt Lake City. Une friche industrielle à l’extérieur de la ville. C’est là, sur six hectares, que l’Utah prévoit de construire un centre pouvant héberger 1 300 personnes sans domicile. Officiellement, un campus de soins. Concrètement, un site fermé, loin de tout, sans liberté d’entrée ni de sortie. La police aura pour mission d’y acheminer les sans-abri repérés dans les rues, sous peine d’incarcération. Il ne s’agira pas d’un accueil volontaire mais d’une alternative à la prison.

L’annonce du projet s’inscrit dans une orientation nouvelle du pouvoir fédéral. En juillet, Donald Trump, revenu à la Maison Blanche, a signé un décret interdisant les campements sauvages dans tout le pays et facilitant les internements forcés. Le gouverneur républicain de l’Utah, Spencer Cox, s’est empressé d’appliquer la directive.

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Fin de partie pour le “Housing First”

Le changement est brutal. L’Utah avait été pionnier du modèle Housing First, plébiscité par les experts : un logement d’abord, sans conditions, puis un accompagnement. Moins visible, moins violent. Mais ce modèle, coûteux, n’a pas tenu face à la hausse brutale des besoins. Le nombre de sans-abri a augmenté de 60 % en dix ans aux États-Unis. Et les priorités ont changé.

Le nouvel axe s’appuie sur la contrainte : sevrage obligatoire, traitement psychiatrique imposé, réinsertion mesurée à l’aune du comportement. Depuis 2024, la coordination des politiques sur les sans-abri est passée aux mains d’un cercle restreint d’acteurs politiques et économiques. À sa tête, Randy Shumway, consultant en management. Il défend une approche fondée sur la “responsabilisation” : les bénéficiaires doivent prouver leur volonté de s’en sortir. Quitte à les y forcer.

Une politique punitive déguisée

Le site retenu est situé près de l’aéroport, loin des transports, à l’écart des regards. Loin aussi de tout cadre de vie ordinaire. Les critiques parlent d’un centre d’enfermement déguisé. “Ce projet est illusoire”, dénonce Jen Plumb, sénatrice démocrate et médecin, en rappelant le manque de lits psychiatriques disponibles et les coupes dans Medicaid. Jesse Rabinowitz, du National Homelessness Law Center, voit dans cette politique un retour à des pratiques d’internement ciblant les plus précaires.
Certains sans-abri, interrogés localement, disent craindre de s’y retrouver enfermés sans possibilité de sortir. Volontariat théorique, contrainte réelle.

L’Utah n’est pas seul. La Louisiane a déplacé 120 sans-abri avant un match majeur. À San Diego, des tentes sont interdites, remplacées par des “safe camps”. À Las Vegas, la ville a construit un centre similaire. La Cour suprême a donné sa bénédiction en 2024 : il est désormais possible de pénaliser la vie à la rue, même en l’absence de solutions de relogement suffisantes. La brèche est ouverte.



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