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En un peu plus d’un an, Lovable a surgi de nulle part pour se hisser au sommet des jeunes pousses européennes en intelligence artificielle. Fondée en 2023 à Stockholm, la société affiche déjà une valorisation de 6,6 milliards de dollars. Elle vient de lever 330 millions supplémentaires, essentiellement auprès d’investisseurs américains.
Le cœur de l’offre de Lovable s’appelle le « vibe coding ». L’idée : permettre à n’importe qui, même sans bagage technique, de créer une application ou un site web via une interface conversationnelle. L’utilisateur échange avec un agent d’IA, décrit ce qu’il veut, l’outil génère du code. C’est du développement sans ligne de commande, sans IDE, sans back-end à configurer. Une sorte de ChatGPT dédié à la création numérique.
Ce modèle s’appuie sur une IA générative maison. Il vise les indépendants, les TPE, les fonctions support dans les grandes entreprises – tous ces profils que le numérique a longtemps laissés sur le bas-côté. Lovable promet de transformer une idée en service fonctionnel en quelques minutes.
Une machine à projets, portée par la foule
Le succès est au rendez-vous. Depuis le lancement en 2024, la plateforme revendique plus de 100 000 projets créés chaque jour, soit 25 millions en un an. Une activité soutenue qui génère aujourd’hui plus de 500 millions de visites mensuelles. Une infirmière aurait, par exemple, conçu seule une application pour suivre les parcours patients dans son service. La santé, les services à la personne, le commerce local figurent parmi les premiers secteurs utilisateurs.
Avec une équipe encore resserrée, Lovable affiche déjà 200 millions de dollars de revenus récurrents annuels. En moins de deux ans, elle a levé 550 millions au total. Son modèle économique repose sur un abonnement mensuel et des services premium de personnalisation.
Des codes générés… mais pas toujours durables
Mais la promesse a ses failles. Le code généré est difficile à relire, à corriger ou à maintenir dans le temps. Les projets complexes souffrent d’un manque de structure. Pour Olivier Laplace, investisseur chez VI Partners, « le principal défi sera la rétention ». Une plateforme peut séduire vite, mais elle doit convaincre sur la durée. Le taux de désinscription des utilisateurs sera scruté de près dans les prochains mois.
Autre limite pointée : l’absence de capitaux européens. Le tour de table de Lovable aligne les poids lourds américains – CapitalG (Alphabet), NVentures (Nvidia), Salesforce Ventures, Databricks Ventures, Atlassian Ventures. Une reconnaissance technologique indéniable, mais aussi un signal d’alerte pour l’Europe. Aucun acteur du Vieux Continent ne figure parmi les principaux financeurs.
Laplace y voit un symptôme d’un écosystème continental encore sous-dimensionné. Il plaide pour un modèle plus proche des États-Unis, où fondations, universités et caisses de retraite investissent à long terme dans le capital-risque. Une dynamique absente en Europe, où le financement reste fragmenté, timoré, et rarement endurant. L’entrée de Google et Nvidia dans le capital de Lovable pourrait aussi annoncer la suite. Dans ce secteur, les acquisitions stratégiques ne tardent jamais.


