L’IA rend-elle nos chercheurs moins performants ?

La revue science révèle que l’IA dégrade la rigueur scientifique, malgré une production accrue.

L’intelligence artificielle s’est imposée dans les laboratoires comme un outil incontournable. En particulier les grands modèles de langage, capables de générer des textes fluides à partir d’instructions sommaires. En quelques années, leur adoption s’est répandue à grande vitesse dans la recherche scientifique, de la rédaction d’articles à la programmation de code, en passant par le tri de la littérature académique.

Une étude publiée mi-décembre dans Science confirme l’ampleur du phénomène. En examinant plus de deux millions de preprints mis en ligne entre 2018 et 2024, les chercheurs ont identifié une nette augmentation de la productivité après adoption de ces outils. Le nombre de publications grimpe de 36 à 60 % en moyenne. La progression est encore plus forte chez les chercheurs non-anglophones, notamment en Asie, pour qui l’IA sert de levier face à la barrière de la langue.

Un style plus fluide, mais une reconnaissance en baisse

Ce bond quantitatif s’accompagne d’un paradoxe. Les textes générés ou aidés par l’IA présentent une écriture plus lisse, parfois plus travaillée, mais ils sont moins fréquemment acceptés par les revues à comité de lecture. Autrement dit, mieux écrire ne garantit plus d’être mieux publié.

L’étude met ainsi en évidence une dissociation entre forme et fond. Derrière des formulations irréprochables, les contenus semblent parfois moins solides. Le risque devient tangible : celui de saturer la littérature scientifique de travaux bien présentés mais peu rigoureux. Une inflation de publications qui menace la visibilité des recherches les plus pertinentes.

L’IA influence aussi les choix thématiques. Une autre étude, en attente de publication, montre que les chercheurs qui l’utilisent publient plus vite, sont davantage cités et accèdent plus rapidement à des postes à responsabilité. Mais cette dynamique favorise des sujets déjà balisés, bien représentés dans les données qui nourrissent les modèles d’IA.

À terme, cette tendance pourrait conduire à une concentration thématique, au détriment de la diversité intellectuelle. Les recherches atypiques, minoritaires ou interdisciplinaires risquent d’être marginalisées. L’IA pousse vers des formats et des objets “optimisés”, au prix d’un appauvrissement de l’exploration scientifique.



L'Essentiel de l'Éco est un média indépendant. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités :

Publiez un commentaire

Publier un commentaire