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Les constructeurs européens ont longtemps dominé l’automobile mondiale. Mais face à la transition énergétique, ils patinent. Pendant ce temps, les groupes chinois avancent à grande vitesse. Grâce à une stratégie industrielle cohérente et des coûts maîtrisés, ils prennent une longueur d’avance difficile à rattraper.
Les marques chinoises proposent désormais des véhicules électriques bon marché, techniquement aboutis, avec une autonomie compétitive et un design adapté au marché européen. Leur avantage ne se limite pas à l’assemblage. Ils dominent la production de batteries, le cœur technologique de la voiture électrique. Cette maîtrise de la chaîne de valeur — de l’extraction des matières premières à l’intégration logicielle — leur permet d’afficher des prix planchers sans sacrifier la marge. Pendant que l’Europe tergiverse sur ses gigafactorys, la Chine livre déjà à grande échelle.
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En réponse, la Commission européenne a lancé des enquêtes pour pratiques commerciales déloyales. Sans grand effet, pour l’instant. Sur le terrain, les concessionnaires européens s’apprêtent à accueillir des marques chinoises que le grand public commence à identifier. Face à une offre européenne encore trop centrée sur le thermique ou des électriques haut de gamme, les modèles d’entrée de gamme chinois comblent un vide.
L’Europe revoit à la baisse ses ambitions climatiques
Mardi, Bruxelles a annoncé un recul symbolique mais significatif : l’objectif de réduction des émissions de CO₂ pour les voitures neuves passe de 100 % à 90 % d’ici 2035. Officiellement, il s’agit de laisser du temps aux industriels, notamment allemands, pour s’adapter. En coulisses, c’est l’aveu d’un retard accumulé, et d’une dépendance encore forte aux motorisations thermiques.
Ce rétropédalage n’est pas une surprise. En mars 2025, Stéphane Séjourné, alors vice-président de la Commission chargé de la stratégie industrielle, prévenait déjà que l’automobile européenne était « en danger de mort ». Le nouveau seuil permettra aux constructeurs de continuer à vendre une petite part de modèles thermiques au-delà de 2035, sous certaines conditions.
Des exigences industrielles jugées irréalistes
Mais ces conditions ne passent pas. Bruxelles veut que les 10 % de flexibilité soient réservés aux véhicules intégrant de l’acier bas carbone produit localement et des carburants renouvelables. Pour l’ACEA, l’organisation des constructeurs européens, c’est un coup de pression de plus, difficilement soutenable. Les industriels dénoncent des coûts en hausse, une complexité technique mal anticipée et une réglementation qui ne correspond pas aux capacités réelles des usines européennes.
En Allemagne, la réaction a été immédiate. La puissante fédération de l’automobile juge la proposition « désastreuse ». Elle y voit un manque de réalisme industriel, doublé d’un désavantage concurrentiel flagrant face à la Chine et aux États-Unis, où les plans de soutien sont plus massifs et les contraintes moins rigides.
Les ventes électriques progressent
Pourtant, les chiffres de vente dessinent une autre réalité. En novembre, les voitures électriques ont représenté 26 % des immatriculations en France, un record. Sur l’ensemble de 2025, leur part de marché atteint 19,5 %, en hausse notable par rapport à 2024. Même tendance en Europe, avec 16,4 % en octobre contre 13,2 % un an plus tôt.
L’explication est simple : l’arrivée de modèles plus compacts, abordables, et mieux adaptés aux attentes des ménages. La demande existe, mais elle bute sur le prix, le manque d’infrastructures de recharge et la lenteur de l’offre européenne à se diversifier. Ce sont précisément ces failles que les constructeurs chinois exploitent.
Une industrie européenne piégée par sa stratégie haut de gamme
Depuis 2020, le prix moyen d’un véhicule neuf a bondi de 24 %, selon l’Institut des mobilités en transition. Cette inflation ne résulte pas seulement des coûts de production. Elle est aussi le fruit d’un choix stratégique : vendre moins, mais plus cher. SUV, équipements numériques, finitions premium : les constructeurs ont misé sur les marges plutôt que sur les volumes. Résultat, une fracture croissante entre l’offre et la capacité d’achat de nombreux Européens.
Cette politique laisse le champ libre aux véhicules chinois, capables de proposer des électriques à moins de 25 000 euros, voire 20 000 euros dans certains cas. Un créneau déserté par les marques européennes.


