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La métropole d’Abidjan connaît une flambée immobilière sans précédent. Dans les quartiers les plus recherchés – Le Plateau, Cocody, la Riviera – les prix explosent. Le mètre carré y oscille entre 850 000 et 1 200 000 FCFA (environ 1 296 à 1 829 euros), selon Keur Immo. Les logements de standing, dopés par la demande des expatriés et des élites locales, prennent de la valeur à grande vitesse. À la Riviera 3, un duplex s’est vendu 118 millions de FCFA (environ 179 934 euros), en hausse de 24 % en quatre ans.
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À l’autre bout de la ville, dans les quartiers populaires comme Gesco ou Abobo, les prix plongent mais restent hors de portée. Le mètre carré tombe à 150 000 FCFA (environ 229 euros). Pourtant, l’achat reste un mirage pour des habitants dont le revenu dépasse rarement le SMIG de 75 000 FCFA (environ 114 euros). Dans des logements souvent insalubres, les loyers absorbent plus de la moitié du revenu des familles.
Déguerpissements à Abidjan : un choc pour les familles modestes
L’année 2024 a marqué un tournant. Le District autonome d’Abidjan, sous la houlette du Ministre-Gouverneur Cissé Bacongo, a lancé une vaste opération d’assainissement. Résultat : des milliers de personnes à la rue. À Gesco, 1 199 familles ont été directement touchées. À Boribana, près de 28 000 personnes, selon Amnesty International. L’État a promis 250 000 FCFA (environ 381 euros) par famille pour le relogement. Une somme jugée largement insuffisante. Elle ne couvre ni les cautions d’entrée, ni les frais de déménagement.
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Des terrains ont été proposés à Songon, à plus de 40 km du cœur de la ville. Trop loin, trop isolés. Beaucoup ont refusé. Fin 2024, des milliers de personnes attendaient encore une solution durable, selon Amnesty International.
Métro d’Abidjan : espoir de mobilité, peur du déclassement
Le métro d’Abidjan incarne les contradictions du développement. Avec ses 37 km de rail, la Ligne 1 doit relier Anyama à l’aéroport. Mise en service prévue pour 2028. Objectif : transporter 540 000 passagers par jour, selon la Société Générale. Mais le chantier a déjà déplacé 13 400 ménages. Une étude publiée en décembre 2025 dans Nature prévient : près de 10 000 travailleurs du secteur informel pourraient perdre leur revenu. Chauffeurs de gbakas, vendeurs ambulants : un écosystème menacé.
Coût de la vie : l’inflation pèse sur les foyers précaires
Dans les marchés, l’inflation frappe en silence. Officiellement contenue, elle étrangle pourtant les foyers modestes. En mars 2025, le kilo de riz local coûtait entre 600 et 700 FCFA (environ 0,91 à 1,07 euro), selon l’ANSTAT. Pour une famille au SMIG, c’est déjà trop. Et le travail ne suit pas. Le chômage officiel tourne autour de 2,3 %, mais cache l’essentiel : le sous-emploi massif. En Afrique subsaharienne, 71,7 % des jeunes sont dans l’informel, selon l’OIT. À Abidjan, même les diplômés peinent à trouver un emploi stable. Beaucoup bricolent, tentent l’auto-entrepreneuriat sans capital.
Abidjan se transforme à grande vitesse. Tours vitrées, zones d’affaires, infrastructures de transport. Une ambition assumée. Mais la modernisation creuse l’écart. Les profits de la croissance se concentrent. Les prix montent, les expulsions se multiplient, le logement devient un luxe, l’emploi se fait rare. Les projets structurants sont nécessaires, mais la question reste entière : pour qui construit-on la ville ?


