Jean-Bernard Lafonta (HLD Europe) : « Les critères RSE sont désormais décisifs pour le capital-investissement »

L’écosystème du private equity les a longtemps jugés secondaires par rapport aux indicateurs financiers. Désormais, les critères RSE sont scrutés par les acteurs du capital-investissement. Et ce, « de la phase d’investissement jusqu’à la sortie de la participation », insiste Jean-Bernard Lafonta, cofondateur de HLD Europe, l’un des leaders français de la filière. Une révolution structurelle, qui pousse les acteurs du non-coté à montrer patte blanche.

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Des indicateurs devenus incontournables… 

La prise de conscience des risques est désormais bien ancrée dans l’esprit des dirigeants d’entreprise : les enquêtes les plus récentes démontrent que 8 PME/TPE sur 10 craignent l’impact du changement climatique sur leur modèle économique. Près de la moitié des dirigeants anticipent un bouleversement plus ou moins important de leurs activités à cause de ses conséquences. En bref, les critères RSE sont devenus incontournables. La pression sociétale et la multiplication des contraintes réglementaires les ont même rendus inévitables. « Le déploiement d’une stratégie RSE consolidée est désormais structurée au plus haut niveau de direction des organisations, ce n’est plus un simple outil de communication », souligne Jean-Bernard Lafonta.

Les publications des entreprises sont, sans doute, le meilleur exemple de cette transformation profonde. Une étude de la société d’investissement Pimco, rendue publique en 2021, montre ainsi une explosion du nombre de mentions RSE dans la présentation des résultats des entreprises. Présentes dans environ 1 % des présentations entre 2005 et 2019, elles sont à présent intégrées dans plus d’une sur cinq, témoignant d’un changement structurel de mentalité. Quant aux baromètres de reporting extra-financier, la quasi-totalité d’entre eux incluent une stratégie RSE. Et 60 % se fondent sur des objectifs chiffrés, avec un haut niveau de précision et un engagement de temps précis. « Les entreprises veulent désormais faire acte de transparence sur les enjeux RSE car elles savent que leurs parties prenantes, notamment financières, y prêtent un intérêt accru », explique Jean-Bernard Lafonta, dont le fonds d’investissement HLD Europe représente 4 milliards d’euros d’actifs sous gestion.

… et qui influencent fortement les décisions d’investissement des fonds  

Pour la filière du private equity, qui traverse une tempête d’ampleur dans un contexte macroéconomique tendu, pas question non plus d’ignorer ces enjeux. « La prise en compte des critères a lieu dès la phase d’investissement et fait l’objet d’un accompagnement structuré jusqu’à notre sortie de la participation », affirme Jean-Bernard Lafonta. De quoi entraîner, en parallèle, une réorientation massive des flux d’investissement vers des activités durables. Pour preuve, 56 % des acteurs du capital-risque auraient déjà refusé de conclure un investissement pour des raisons liées à la RSE. Et un tiers d’entre eux prennent en compte ces critères dans leurs politiques de valorisation des organisations, selon les données d’un livre blanc publié par le géant du conseil PwC en 2023. Une part qui est appelée à croître dans les années à venir, sous la pression d’un cadre réglementaire toujours plus exigeant. « L’exécutif européen a compris que les objectifs du Green Deal, particulièrement ambitieux, ne pourront se faire sans la pleine mobilisation des acteurs économiques. Cela se traduit dans les textes », précise Jean-Bernard Lafonta.

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) par exemple, appliquée en France depuis décembre 2023, couvre les entreprises non cotées d’au moins 250 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros, soit environ 7 000 entreprises françaises et plus de 50 000 à l’échelle de l’Union européenne. Elle vise à accorder aux critères RSE une importance comparable à celle des indicateurs financiers. Une brique réglementaire qui s’ajoute désormais à la loi PACTE du 22 mai 2019 et à la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Et, dès 2026, les acheteurs de l’État et des collectivités, qui gèrent une manne financière de plusieurs dizaines de milliards d’euros par an, devront appliquer des obligations spécifiques pour s’assurer de la durabilité de la commande publique.

Une corrélation entre RSE et performance financière ?

Si la RSE s’est désormais imposée, c’est aussi parce que certaines études tendent désormais à démontrer une corrélation de plus en plus étroite entre performance RSE et performance financière. Une réalité qui, selon de nombreux observateurs, est sous-tendue par une meilleure prise en compte des risques et de la durabilité, une saine gestion des ressources humaines ou encore une maîtrise accrue du risque réputationnel et de la relation avec les parties prenantes, notamment les consommateurs. « Kiloutou, l’une de nos participations, s’est engagé dans une démarche transversale de la RSE : une ambition de réduction de 40 % de ses émissions de CO2 d’ici 2030, le déploiement progressif d’un parc de matériels à énergie alternative et, au niveau global, la contribution à la promotion d’un modèle fondé sur l’usage plutôt que la possession, ce qui démontre que la RSE peut dépasser le seul cadre corporate », décrit Jean-Bernard Lafonta, qui précise que le leader européen de la location de matériel professionnel a connu depuis 2017 une « croissance à deux chiffres de son chiffre d’affaires chaque année ». Une lame de fond qui pourrait rapidement transformer en profondeur les décisions d’investissement du secteur du capital-investissement. Et orienter -un peu- les entreprises vers un modèle plus durable.



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