Vers une fiscalisation du Livret A

Votre Livret A est-il trop rempli ? L’État envisage de taxer les dépôts au-delà d’un nouveau seuil.

Afficher le résumé Masquer le résumé

L’épargne réglementée continue de concentrer des volumes inédits malgré la baisse des taux intervenue début 2025. Dans un contexte économique incertain et alors que les encours du Livret A et du LDDS dépassent désormais 603 milliards d’euros, le Conseil des prélèvements obligatoires défend une révision des plafonds pour limiter les dépôts considérés comme excédentaires et renforcer la neutralité fiscale.

A LIRE AUSSI
Épargnez sans y penser : ces méthodes qui changent tout

Pression accrue sur l’épargne réglementée

L’épargne réglementée reste l’un des piliers financiers des ménages. À fin 2024, les encours cumulés du Livret A et du LDDS atteignent 603,1 milliards d’euros, tandis que l’ensemble de l’épargne réglementée franchit 956 milliards d’euros. Le Livret A compte 58 millions de détenteurs, soit une large majorité des Français. L’année 2024 s’est clôturée sur un niveau d’intérêts versés inédit, avec 16,8 milliards d’euros distribués pour près de 80 millions de livrets. La collecte de décembre, à 3,93 milliards d’euros, a été la plus élevée depuis 2009.

Cette dynamique marque toutefois un infléchissement depuis le début de l’année. La collecte nette de janvier 2025 a chuté à 920 millions d’euros, un repli attribué à l’anticipation de la baisse du taux du Livret A, passé de 3 % à 2,4 % au 1er février 2025 et attendu à 1,7 % en août 2025. Le LDDS suit la même orientation. Ces ajustements interviennent alors que la concurrence des fonds en euros de l’assurance-vie se renforce et que le contexte politique et économique continue d’inciter les ménages à maintenir un niveau d’épargne élevé. Malgré ce mouvement, l’attractivité globale du Livret A reste intacte, soutenue par sa liquidité et par un rendement réel positif en 2024 grâce à un taux supérieur à l’inflation.

Le CPO cible les plafonds des livrets

Dans ce contexte, le Conseil des prélèvements obligatoires propose d’encadrer plus strictement les dépôts sur les livrets réglementés. Son rapport sur la fiscalité du patrimoine préconise de ramener le plafond du Livret A à 19.125 euros, contre 22.950 euros aujourd’hui, et de fiscaliser les dépôts excédant ce seuil selon le régime de droit commun. Le LDDS verrait quant à lui son plafond relevé à 19.125 euros, mais les montants au-delà seraient également soumis à l’impôt.

Pour le CPO, l’objectif est double. D’abord, limiter la transformation progressive du Livret A et du LDDS en produits de placement plutôt qu’en épargne de précaution. Ensuite, harmoniser le traitement fiscal des différents instruments d’épargne afin d’éviter des distorsions entre supports bénéficiant d’exonérations totales et produits taxés dès le premier euro d’intérêt. Le Conseil estime que les plafonds actuels, combinés au cumul possible des livrets dans un foyer, permettent d’atteindre des niveaux de dépôt qui ne correspondent plus à la vocation initiale de ces produits.

Un argument centré sur l’épargne de précaution

Le CPO justifie sa position par une analyse de la structure des encours. Les livrets réglementés sont conçus comme une épargne de précaution de premier niveau, dont l’exonération fiscale se justifie par les mouvements fréquents observés sur ces comptes. Mais la concentration des dépôts nuance cette logique. Selon les dernières données, 20 % des détenteurs réunissent 65 % des sommes placées, ce qui témoigne d’un usage intensif par une minorité de ménages, souvent plus aisés.

Cette répartition renforce l’argument selon lequel une partie de l’épargne logée sur les livrets ne relève plus de la logique de sécurité immédiate. Elle s’inscrit dans un contexte où le taux d’épargne financière des ménages reste élevé et où la recherche d’arbitrage entre supports est devenue plus prononcée avec la normalisation progressive des taux. Pour le CPO, une meilleure définition de ce qui relève réellement de la précaution permettrait de concentrer l’avantage fiscal sur les besoins essentiels.

Une manne fiscale limitée et incertaine

L’exonération des intérêts des livrets réglementés représente un manque à gagner d’environ 5,6 milliards d’euros pour les finances publiques en 2024. Selon les estimations de la direction générale du Trésor, une fiscalisation des dépôts dépassant le nouveau plafond proposé pourrait rapporter 150 millions d’euros. L’application de la mesure sur les plafonds actuels générerait 80 millions d’euros.

Ces montants restent modestes au regard de l’effort budgétaire global et demeurent incertains. Les comportements d’épargne pourraient rapidement s’ajuster. Environ 15 % des Livrets A dépassent aujourd’hui le plafond de dépôts. Une partie des épargnants concernés retirerait probablement leurs excédents pour les orienter vers d’autres supports afin d’éviter l’imposition. Le rendement effectif de la mesure dépendrait donc du degré de réaction des ménages et des arbitrages réalisés entre produits fiscalisés et non fiscalisés.

Tensions autour des comportements d’épargne

Les signaux récents montrent que les décisions sur les taux influencent fortement les mouvements d’épargne. Le ralentissement de la collecte en janvier confirme que l’annonce de la baisse du taux du Livret A a pesé sur les versements, après une année 2024 marquée par une accumulation exceptionnelle. Le rendement réel positif obtenu en 2024 a contribué à gonfler les encours, tandis que les fonds euros commencent à regagner en attractivité avec la remontée de leurs rendements.

Dans cet écosystème, le Livret d’épargne populaire demeure un cas particulier. Malgré un taux encore élevé, passé de 4 % à 3,5 % en février 2025, il reste sous-utilisé, avec 11,8 millions de titulaires pour 19 millions de ménages éligibles. Les autorités monétaires visent l’ouverture d’un million de LEP supplémentaires en 2025 afin d’améliorer la diffusion de ce produit ciblé sur les revenus modestes. Ces tensions illustrent les enjeux liés à l’orientation de l’épargne, dans un paysage où les ajustements fiscaux et réglementaires peuvent modifier les équilibres entre produits et redéfinir les choix des ménages.



L'Essentiel de l'Éco est un média indépendant. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités :

Publiez un commentaire

Publier un commentaire