Strasbourg, nouvelle capitale de la lutte anti cancer

Les résultats présentés par l’Institut Curie renforcent l’intérêt pour TG4050, alors que Transgene prépare son centre d’excellence pour 2026.

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L’entreprise strasbourgeoise Transgene renforce ses moyens scientifiques et industriels avec une levée de fonds de 105 millions d’euros. Cette opération portée par ses actionnaires historiques prolonge sa visibilité financière et intervient alors que les essais cliniques de vaccins thérapeutiques individualisés progressent en France et à l’international. Les derniers résultats consolident la trajectoire de la biotech strasbourgeoise.

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Transgene a sécurisé une nouvelle étape de son développement avec une levée de 105 millions d’euros, l’une des plus importantes de son histoire. L’Institut Mérieux, via TSGH, a porté sa participation de 69 % à 78 %, aux côtés de Dassault Group et de plusieurs fonds spécialisés. L’entreprise prévoit d’allouer près de 70 % de ces ressources à la plateforme myvac, qui soutient notamment le vaccin individualisé TG4050. Ce financement prolonge sa visibilité financière jusqu’au début de 2028 et confirme l’intérêt persistant de ses partenaires pour une technologie qui avance étape après étape dans les essais cliniques.

Une avancée clinique confirmée

Le développement clinique de TG4050 progresse à un rythme constant. Ce vaccin individualisé est conçu pour chaque patient à partir de l’analyse génomique de sa tumeur. Une trentaine de mutations sont sélectionnées à l’aide d’algorithmes d’intelligence artificielle, puis encapsulées dans un vecteur viral administré pendant un an. Les premières données de phase I, déjà connues, ont été renforcées par un essai randomisé mené sur 33 patients en rémission de cancers ORL après radio- ou radiochemothérapie.

Présentées le 27 mai 2025 par l’Institut Curie, ces données démontrent un profil de sécurité satisfaisant et des réponses immunitaires prolongées. Elles indiquent aussi une différence significative de survie sans récidive entre les patients vaccinés et ceux n’ayant pas reçu TG4050 en première intention. Le taux de rechute dans le groupe non vacciné se situe autour de 20 %, alors qu’aucune récidive n’a été observée dans le groupe vacciné au moment de l’analyse. Cette présentation a été retenue pour une session orale à l’ASCO 2025, au sein des résultats jugés les plus prometteurs.

Lors de cette annonce, le Pr Christophe Le Tourneau a déclaré : « les résultats de l’essai de phase I randomisée de TG4050 suggèrent que le vaccin thérapeutique TG4050 pourrait fortement réduire le risque de rechute chez des patients opérés de cancers ORL ». Il a ajouté que la vaccination individualisée représente « un vrai espoir » pour les patients.
La phase II, débutée en 2024, doit livrer ses premières données d’efficacité en 2027. De nouveaux résultats d’immunogénicité sont attendus au premier semestre 2026. Au total, près de 80 patients participent à ces essais conduits avec l’Institut Curie, l’Oncopole de Toulouse, l’ICANS de Strasbourg, le centre Léon Bérard de Lyon, Cancer Research UK et la Mayo Clinic.

Transgene est également impliquée dans TG4001.12, un essai de phase 1b–2 sur les tumeurs HPV-16 positives. Déclaré clos aux inclusions en novembre 2025, il associe systématiquement le vaccin TG4001 à l’avelumab, sans tirage au sort contre placebo. Les patients sont suivis tant qu’aucune progression ou toxicité limitante n’apparaît.

Un contexte sanitaire marqué par les cancers ORL

Les cancers ORL occupent une place importante dans le paysage français, avec 15 000 à 18 000 nouveaux cas par an. Ils concernent majoritairement les hommes, mais l’incidence féminine augmente, en lien avec l’évolution du tabagisme. Les facteurs de risque incluent le tabac, responsable d’environ 80 à 90 % des cancers ORL, ainsi que l’alcool et les infections HPV, désormais à l’origine d’une part croissante des cancers de l’oropharynx. Certains concernent des patients jeunes, sans consommation notable d’alcool ou de tabac.

Le cancer reste la première cause de mortalité prématurée en France, selon Santé publique France, avec près de 433 000 nouveaux cas estimés en 2023. Les tendances compilées par l’INCa montrent une baisse régulière de la mortalité depuis une décennie. Le Panorama des cancers en France, publié en juin 2025, rappelle que l’amélioration du dépistage et l’accès aux innovations thérapeutiques figurent parmi les priorités de la stratégie décennale 2021-2030.

En parallèle, plusieurs campagnes se sont succédé au printemps 2025 pour soutenir le repérage précoce des cancers ORL. La campagne Rouge-Gorge 2025, relayée par plusieurs réseaux régionaux, a proposé webinaires et formations aux professionnels de première ligne. Les messages portaient sur l’examen systématique de la cavité buccale et la détection de symptômes fréquents mais non spécifiques, comme un enrouement persistant, une gêne à la déglutition ou l’apparition d’un ganglion cervical. La Fédération hospitalière de France avait également relayé “Avril rouge”, mois consacré à la sensibilisation aux cancers de la sphère ORL et du cerveau.

L’Institut national du cancer et la Commission européenne ont, de leur côté, rappelé l’importance de la prévention, notamment sur le tabac et l’alcool, et souligné les marges de progression dans les dépistages organisés. Les profils européens indiquent une incidence légèrement supérieure à la moyenne de l’Union, mais des taux de survie globalement favorables. Les disparités territoriales restent cependant un sujet identifié par les institutions.

Une montée en puissance industrielle en cours

Dans ce contexte, Transgene renforce sa capacité industrielle. La société a inauguré en 2025 une nouvelle zone de production sur son site d’Illkirch. Son objectif est d’accélérer les fabrications individualisées, actuellement réalisées en environ 90 jours par une équipe d’une douzaine de personnes. L’entreprise projette la création d’un centre d’excellence en 2026 afin de stabiliser les processus, fiabiliser les étapes sensibles et automatiser certaines opérations. Les ingénieurs, techniciens et biologistes restent au cœur du dispositif.

Lors d’une présentation en août 2025, Alessandro Riva avait rappelé que TG4050 constituait une preuve de principe clinique. Les premières données de la phase I non randomisée, menées sur 32 patients atteints de cancers ORL, avaient déjà présenté une survie sans récidive de 100 % à deux ans. L’ensemble de ces éléments a renforcé la confiance des investisseurs et conforté la levée de fonds réalisée en fin d’année.

Cette trajectoire s’inscrit dans un paysage où les vaccins thérapeutiques individualisés occupent une place de plus en plus visible. Plusieurs sessions de l’ASCO et de l’ESMO ont mis en avant des résultats encourageants pour des traitements en situation précoce. De son côté, le Pr Nicolas Girard avait rappelé, à propos d’un essai combinant immunothérapie et chirurgie, que la réduction d’environ 40 % des récidives s’accompagnait d’une amélioration de la survie globale. Ces observations nourrissent un intérêt croissant pour les approches personnalisées.

Confirmation à plus grande échelle

Les avancées de Transgene reposent sur des bases cliniques solides, mais nécessitent une confirmation à plus grande échelle. Les essais en cours doivent apporter des données supplémentaires sur l’efficacité du vaccin individualisé en situation adjuvante. Les défis industriels demeurent significatifs, notamment dans la réduction des délais de fabrication et la standardisation des lots. Les centres d’expertise rappellent régulièrement l’importance d’un dispositif robuste et reproductible avant toute diffusion élargie.

Les enjeux publics identifiés par l’INCa et l’OCDE sont également présents dans les débats : amélioration des dépistages, prévention renforcée, réduction des inégalités territoriales et accès équitable aux innovations. Ces points figurent au cœur des réflexions nationales sur la lutte contre le cancer.

Transgene s’inscrit désormais dans une perspective structurée, avec un objectif de possible mise sur le marché de TG4050 à l’horizon 2030. La levée de fonds lui permet de sécuriser cette route et d’ancrer son développement dans le cadre scientifique et industriel actuel. Les prochaines données attendues en 2026 et 2027 préciseront les contours de cette ambition.



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