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- New York, Californie et New Jersey en tête
- Les campus universitaires, nouvel épicentre de l’hostilité
- Antisémitisme de droite et de gauche : une polarisation croissante
- Les réseaux sociaux, caisse de résonance massive de la haine
- Le tournant sécuritaire de l’administration Trump
- Un impact profond sur les communautés juives
- Manque de stratégie à long terme
Les États-Unis connaissent en 2025 une recrudescence sans précédent des actes antisémites. Selon les derniers chiffres du FBI, 1 938 crimes de haine antisémites ont été enregistrés en 2024, soit une augmentation de 5,8 % par rapport à 2023. Ces actes représentent 69 % des crimes de haine motivés par la religion, alors que les Juifs ne représentent que 2 % de la population. De son côté, l’Anti-Defamation League (ADL) a recensé 9 354 incidents antisémites, incluant agressions, harcèlements et actes de vandalisme. En moyenne, plus de 25 incidents sont signalés chaque jour dans le pays, soit une hausse de 893 % par rapport à 2014.
La Secure Community Network (SCN), organe de sécurité de la communauté juive nord-américaine, a enregistré plus de 10 000 signalements d’activités suspectes depuis octobre 2023. En 2024, plus de 500 menaces jugées crédibles ont nécessité une intervention policière. La SCN estime que le total annuel pourrait atteindre 700 menaces d’ici la fin de l’année, soit une hausse de 40 % en un an.
New York, Californie et New Jersey en tête
La répartition géographique des incidents montre une concentration dans les zones à forte population juive. L’État de New York a enregistré 1 437 incidents en 2024, soit une augmentation de 18 % en un an. La ville de New York représente à elle seule 68 % de ces actes. L’État détient également le record national de vandalisme à caractère antisémite, avec 443 cas recensés. La Californie a enregistré 1 000 cas de harcèlement, tandis que le New Jersey complète le trio des États les plus touchés.
Les incidents prennent des formes variées : insultes antisémites, croix gammées taguées, menaces de bombes, agressions physiques ou encore appels malveillants à la police (swatting). En 2024, le FBI a recensé 2 237 victimes juives, identifiant 1 043 auteurs. L’ADL rapporte 6 552 cas de harcèlement, 2 606 actes de vandalisme et 196 agressions, en hausse de plus de 20 % par rapport à 2023. Les Juifs orthodoxes sont particulièrement ciblés, représentant 30 % des agressions physiques.
Les campus universitaires, nouvel épicentre de l’hostilité
Le monde universitaire connaît une intensification marquée de l’antisémitisme, dans un climat fortement politisé depuis le début de la guerre à Gaza. En 2024, l’ADL a comptabilisé 1 694 incidents antisémites sur les campus, en hausse de 84 % par rapport à 2023. L’État de New York affiche une augmentation de 163 %, passant de 110 à 289 cas. Columbia University et Barnard College totalisent à eux seuls 67 incidents.
Cette poussée s’inscrit dans un contexte de protestations massives contre Israël, menées principalement par des étudiants de gauche. Bien que les manifestations soient souvent politiques, les témoignages d’étudiants juifs indiquent une confusion croissante entre critiques d’Israël et expressions antisémites.
Antisémitisme de droite et de gauche : une polarisation croissante
Une enquête du Jewish People Policy Institute menée en novembre 2025 révèle que 62 % des Juifs américains se disent préoccupés à la fois par l’antisémitisme de gauche et de droite. Les chiffres indiquent toutefois des évolutions contrastées. Selon l’Antisemitism Research Center (ARC), les incidents associés à l’extrême gauche ont augmenté de 324,8 % entre 2023 et 2024, représentant 68,4 % des incidents documentés à l’échelle mondiale. Les actes liés à l’extrême droite ont, quant à eux, chuté de 54,8 % et représentent désormais 7,3 % du total.
Les actes imputés à des mouvances islamistes ont également progressé, atteignant 13 % du total des incidents, en hausse de 44,3 %. Aux États-Unis, l’absence de données idéologiques précises rend toutefois difficile une répartition claire par courant politique, notamment sur les campus où la distinction entre antisémitisme politique et haine religieuse reste floue.
Les réseaux sociaux, caisse de résonance massive de la haine
Les plateformes numériques, et en particulier X (ex-Twitter), jouent un rôle central dans la diffusion du contenu antisémite. Selon une étude menée par le Centre for Countering Digital Hate (CCDH), X concentre à lui seul 66,3 % des 679 000 publications antisémites recensées entre février 2024 et janvier 2025. En comparaison, Facebook en héberge 25,7 %, TikTok 3,6 %, Instagram 3 % et YouTube 1,5 %.
Parmi les contenus analysés, 59 % propagent des théories du complot (contrôle juif supposé, négation de la Shoah, déshumanisation), tandis que les 41 % restants relèvent d’injures ou de moqueries directes. Dix comptes concentrent à eux seuls 32 % des publications antisémites sur X, dont six sont vérifiés par la plateforme.
Le tournant sécuritaire de l’administration Trump
Face à l’escalade, l’exécutif américain a renforcé son arsenal réglementaire. Le 29 janvier 2025, Donald Trump a signé le décret 14188, qui engage tous les départements fédéraux à mobiliser les leviers juridiques existants pour poursuivre les auteurs de violences antisémites. Le texte cible explicitement les résidents étrangers et les étudiants soupçonnés de sympathies pro-Hamas.
Des enquêtes ont été ouvertes contre plusieurs universités sur la base du Titre VI de la loi sur les droits civils de 1964, en s’appuyant sur la définition de l’antisémitisme établie par l’IHRA. Plusieurs établissements ont conclu des accords financiers importants : Columbia University a accepté un règlement à hauteur de 221 millions de dollars, Northwestern 75 millions. Harvard a choisi de contester l’action du gouvernement. En septembre 2025, un juge fédéral a ordonné la restitution de plus de 2 milliards de dollars de financement gelé, estimant que l’administration avait utilisé la lutte contre l’antisémitisme pour mener une campagne idéologique ciblée contre certaines universités.
Un impact profond sur les communautés juives
La montée des violences antisémites modifie en profondeur le comportement de la population juive aux États-Unis. En 2024, 56 % des Juifs américains ont déclaré avoir modifié leurs habitudes quotidiennes par peur. Un tiers affirme avoir personnellement subi un acte antisémite au cours des 12 derniers mois. Selon une enquête de 2025, 13 % des Juifs américains déclarent avoir envisagé de quitter le pays. Ce chiffre atteint 24 % chez les Juifs orthodoxes.
Les dépenses de sécurité explosent. Les organisations juives consacrent en moyenne 14 % de leur budget à la protection, pour un coût total estimé à 765 millions de dollars par an. Dans le même temps, le financement fédéral du programme Nonprofit Security Grant a été réduit de 10 %, passant à 274,5 millions de dollars en 2024.
Sur les campus, les mesures de sécurité se sont durcies. Des contrôles d’accès ont été mis en place dans plusieurs universités. À Northwestern University, un audit interne a été engagé pour évaluer le climat de sécurité perçu par les étudiants juifs.
Manque de stratégie à long terme
Malgré la gravité de la situation, plusieurs angles morts persistent. Le fossé entre les chiffres du FBI (1 938) et ceux de l’ADL (9 354) révèle une sous-déclaration systémique des incidents. Les autorités locales n’envoient pas toujours les données, et les critères de comptabilisation diffèrent selon les organismes.
L’attribution idéologique des actes reste également floue. Aucune base de données publique ne permet actuellement d’établir une cartographie précise des tendances politiques des auteurs d’actes antisémites aux États-Unis.
Enfin, l’élection en novembre 2025 de Zohran Mamdani comme maire de New York, perçue avec inquiétude par une majorité de Juifs américains (67 % selon le JPPI), illustre le fossé croissant entre certaines figures politiques de gauche et la communauté juive. Mais aucun lien direct n’a pu être établi entre cette élection et une aggravation immédiate des violences.
Faute de données consolidées et de recommandations claires, la lutte contre l’antisémitisme demeure fragmentée, et souvent instrumentalisée. La communauté juive, elle, continue de vivre sous tension, entre peur quotidienne et incertitude politique.


